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- Senegal| Wade: "Mefiez-vous de ces candidats halpulaar qui demandent vos voix"
Posted by : Palabre-Infos
1 mars 2012
De G à D: Abdoulaye Wade et Macky Sall. [assirou.net] |
Certains journaux
de la place rapportent dans leur édition du mercredi 29 février que le
candidat-président Abdoulaye Wade aurait mis en garde contre le danger
que représenterait pour l´équilibre social du Sénégal l´élection de son
rival du second tour, Macky Sall, invoquant à cet égard des arguments
d´ordre ethnique, pour étayer son propos.
Selon ces mêmes sources, Wade a mis a profit une rencontre avec un
groupe d´observateurs internationaux pour ruer dans les brancards,
accusant son rival d´avoir joué la carte ethnique pour obtenir son
succès au premier tour de l´élection de dimanche dernier,
particulièrement dans certaines régions du pays où ce dernier réalise
ses meilleurs scores.
Le président
en aurait tiré la conclusion qu´une fois élu au soir du second tour,
Macky Sall mettrait en péril l´équilibre social du pays. Autrement dit,
l´élection de ce dernier risque de plonger le Sénégal dans un conflit
d´ordre identitaire, de nature à menacer la cohésion nationale.
Le président Wade avait déjà soulevé le sujet durant la campagne
électorale. En termes à peine voilés, il avait reproché à l´un de ses
adversaires, sans le nommer, d´exploiter la fibre ethnique pour
engranger des voix. "Méfiez-vous de ces candidats qui disent qu´ils sont
halpulaar pour demander vos voix", aurait-il dit en substance lors
d´une étape de campagne, dans le nord du pays.
Se sentant visé, l´intéressé avait réagi en rejetant de telles
accusations pour le moins graves et lui rappelant, fort opportunément,
sa propension à afficher au grand jour son appartenance confrérique pour
en tirer un gain électoral.
On serait fondé à mettre cette sortie du président sur le compte des
dérapages inhérents à toute campagne électorale. Mais, de le voir ainsi
revenir à la charge, et surtout au cours d´une rencontre avec des
observateurs étrangers, cela a de quoi inquiéter sur ses véritables
motivations. On l´a entendu dire et répéter au cours des derniers mois
que son retrait plongerait le Sénégal dans le chaos. En effet,
s´adressant à la presse internationale, il a tenté de faire croire à qui
voulait l´entendre que son retrait de la scène plongerait le pays dans
une zone de turbulences aux conséquences imprévisibles. Après moi, le
déluge...
Certains responsables de son parti, surpris par la bérézina électorale
du premier tour, n´ont pas manqué d´emboucher la même trompette pour
justifier leur échec personnel, et sans doute pour tenter de trouver un
bon prétexte suite à leur propre déroute. Ne promettaient-ils pas à leur
candidat qu´ils allaient gagner dans leurs fiefs respectifs pour lui
assurer la victoire dès le premier tour avec 53 % des voix ? Au nombre
de ces derniers se distingue la ministre de la Solidarité nationale,
Aminata Lô. Elle ne trouve aucune autre explication à la percée réalisée
par Macky Sall dans la banlieue, Pikine-Guédiawaye notamment, que
l´expression d´un "vote ethnique".
En recourant à de tels arguments, Wade perd encore une fois son temps.
Il croit pouvoir contrer un adversaire qui a toutes les raisons de
rester imperturbable. Il a sans doute raison de l´être, car ayant
compris sans doute que ce type d´arguments spécieux ne saurait prospérer
dans un pays comme le Sénégal.
Question de bon sens. Ce Halpulaar, natif du Sine qui l´a vu grandir,
marié à une Sérère bon teint, et, qui plus est, s´entoure dans sa
coalition "Macky 2012" de compatriotes issus de tous les groupes
ethniques du pays, peut être accusé de tout sauf de verser dans le repli
identitaire, encore moins de chercher à se faire élire sur cette base
président de la République.
Celui qui a joué sur ce registre n´est autre l´actuel chef de l´Etat, et
ce, dès le premier jour de son accession à la magistrature suprême. Il a
eu le tort de croire que cela pouvait lui servir pour rester
indéfiniment au pouvoir, au mépris de la volonté populaire, celle qui
s´exprime dans les urnes et nulle part ailleurs.
C´est un combat d´arrière-garde que mènent le président et son parti.
Ils se méprennent lourdement en croyant pouvoir utiliser l´argument
ethnique comme épouvantail pour barrer à l´adversaire du second tour ce
qui lui reste de chemin à parcourir dans sa marche victorieuse vers le
Palais. Dans un pays voisin, la Guinée pour ne pas le nommer, cela a pu
fonctionner. Sellou Dalein Diallo, qui avait bénéficié d´une large
avance sur Alpha Condé lors du premier tour de l´élection de l´année
dernière, a perdu le second tour du fait de l´irruption dans le débat
politique de ce type d´arguments. Diallo, que tous les pronostics
donnaient vainqueur au finish, a perdu parce qu´il se serait aliéné le
vote de toutes les autres ethnies que la sienne, ce qui a favorisé la
victoire de son rival Alpha Condé.
Mais Wade et consorts se trompent lourdement en pensant reproduire le
syndrome guinéen par le recours aux mêmes arguments. Qu´ils comprennent
une fois pour toutes que de tels arguments ne sauraient prospérer comme
discours de campagne pour le second tour.
Le Sénégal n´est pas la Guinée. Mais au delà de ces considérations, il
convient de rappeler le Président de la République à ses devoirs et
obligations, dont la préservation de la paix et la concorde qui ont
toujours prévalu entre les composantes de la société sénégalaise.
Convoquer les différences ethniques dans le débat électoral n´est ni
plus ni moins qu´une façon de réveiller les démons de la division. Ce
qui n´est pas à l´honneur de son premier responsable, fût-il sur le
départ.
Le Sénégal a suffisamment à faire avec le conflit qui secoue depuis de
30 ans sa région sud pour devoir en rajouter avec un nouvel embrasement.
Si, comme il le prétend, il ne veut pas faire moins que son
prédécesseur, il doit garder à l´esprit que le minimum qu´exigent de lui
ceux qui l´ont porté au pouvoir le 19 mars 2.000 est de leur laisser le
pays tel que Abdou Diouf le lui avait laissé : dans la paix, la
concorde et la cohésion nationales.
Source : Saliou Traoré- sudonline