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Posted by : Palabre-Infos 16 mai 2012

Mori Diané
La Guinée est dotée d’importantes réserves de minéraux. Elle a produit et exporté environ 600 millions de tonnes de bauxite durant les cinquante dernières années. Cette bauxite a servi à fabriquer près de 150 millions de tonnes d’aluminium. Au cours actuel d’environ US$ 2.600 la tonne, la Guinée aura contribué US$ 400 milliards à l’économie mondiale. Cependant, de cette contribution la Guinée n’aura perçu que US$ 5 milliards, soit 1,2% de sa contribution à l’économie globale.

Ces statistiques démontrent pourquoi la Guinée demeure un pays pauvre pendant que les sociétés impliquées dans l’exploitation du minerai Guinéen sont parmi les compagnies les mieux capitalisées du monde. La Guinée ne profite pas adéquatement des bénéfices de ses ressources naturelles parce qu’elle n’est associée à aucune transaction industrielle ou commerciale ; aucune transaction au delà de la vente de son minerai brut. Tout le processus de valorisation de sa bauxite intervient en dehors de la collaboration, la participation ou l’association des Guinéens.

L’aluminium est un métal à l’emploi très varié. Il est l’objet d’une forte demande dans les économies modernes. Il est abondamment utilisé comme emballage, pour la conservation des produits de consommation courante, dans la fabrique de voitures, trains, avions et dans la construction de bâtiments, d’appareils et ustensiles ménagers. Pour fabriquer l’aluminium, la bauxite subi plusieurs stades de transformation qui nécessitent de l’énergie, d’énormes quantités de main d’œuvre, le transport, le stockage, de grands capitaux et une importante infrastructure de gestion spécialisée. La différence entre le prix de la bauxite et celui de l’aluminium réside dans tous ces éléments qui servent à valoriser la bauxite en aluminium. Cependant touts le processus de valorisation de la bauxite échappe aux Guinéens, de tel sorte que ni l’état, ni les entrepreneurs privés, ni les communautés environnantes des mines ne profitent pleinement des énormes bénéfices financiers associés à son transport, sa transformation et la vente de l’aluminium.

Beaucoup de pays ont efficacement utilisé leur minerai pour édifier leurs économies en exigeant de leurs partenaires étrangers de transformer leur minerai sur leur territoire national afin d’y conserver la valeur ajoutée. Par exemple, le parlement Indonésien vient de passer une loi qui interdit, à partir de 2014, l’export de la bauxite (et tout autre minerai) à l’état brut. Il exige que toute bauxite produite sur son territoire soit transformée localement en alumine avant exportation.

Historiquement les grandes compagnies minières (et pétrolières) ne partagent le fruit de la valeur ajoutée avec leurs pays/partenaires que quand ils y sont contraints par des législations ou des accords. De nos jours la plupart des pays ont adopté des mesures dites ‘Lois de Contenu Local’ pour assurer que l’exploitation des ressources nationales contribue au bien être de leurs citoyens et communautés locales. Ces lois stimulent la création d’emplois et l’épanouissement de l’entreprenariat local, source de croissance économique. Le concept du Contenu Local s’adresse à toutes les activités qui ajoutent de la valeur aux ressources nationales d’un pays. Il comporte des éléments tels la création d’emplois (aussi bien les travailleurs que les cadres de direction), une participation locale à l’actionnariat et dans le control des opérations de gestion, une sous-traitance avec des compagnies locales, pour la provision d ‘équipements, de biens et services. Ces lois ont des conséquences directes sur l’économie, de part leur capacité à accroitre l’emploi directe des nationaux dans les compagnies minières et dans les compagnies locales qui sont amenées à sous-traiter avec les miniers. De surcroit, elle ont des implications indirectes à travers la croissance du revenu des populations et l’accumulation de capitaux pour les entreprises locales.
Le rôle du ‘Contenu Local’ est déterminant dans le développement économique des nations. Un rapport de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement estime que l’application de lois de Contenu Local accentue considérablement l’émergence d’industries locales et accélère le développement des pays. Cependant, dans les cas comme de la Guinée, ‘l‘Institut des Ingénieurs du Génie Civil’, basé à Londres, révèle que la majorité des pays profite peu des projets d’infrastructure entrepris en Afrique.

L’hebdomadaire Américain, ‘The Christian Monitor’, rappelle qu’à une conférence sur le pétrole, tenue à Accra l’année dernière, les pays Africains ont reconnu la nécessité d’accélérer l’application des lois de contenu local. Ils ont emphatiquement déclaré aux compagnies étrangères qu’elles seront dorénavant tenues de respecter scrupuleusement les lois du Contenu Local et d’ainsi atteindre les objectifs d’emploi d’un certain pourcentage de candidats nationaux et d’accepter de sous-traiter avec un plus grand nombre d’entreprises locales.

Si les lois sur le Contenu Local sont un fait nouveau dans de nombreux pays sub-sahariens, elles sont, par contre, un phénomène bien ancré dans les pays occidentaux. Aux Etats Unis, par exemple, toute société sous contrat du Gouvernement est tenue par la loi de transporter de 75 a 100% des marchandises sur des bateaux battant pavillon Américain. L’Australie possède des lois strictes qui assurent que le contenu local de leurs industries demeure élevé, surtout dans le secteur du minerai de fer. Le Brésil est en passe d’adopter une loi qui exigera que les compagnies minières attribuent un pourcentage préétabli de leurs investissements aux compagnies locales. La Norvège, la Malaisie et Trinidad et Tobago sont aussi des pays réputés pour avoir utilisé efficacement le concept du Contenu Local pour engendrer une croissance rapide de leurs économies.

En Afrique, les lois sur le Contenu Local deviennent de plus en plus une partie importante des politiques de développement. Dans des pays tel l’Afrique du Sud, la loi de ‘L’Affranchissement Economique des Noirs’ exige, depuis plus de dix ans, une sous-traitance accélérée avec des compagnies appartenant aux noirs. Dans des pays tels la Tanzanie et la Zambie, des efforts prononcés sont en cours pour assurer que les compagnies locales prospèrent en tandem avec la croissance du secteur minier.

Le Nigeria a réussi à développer un mécanisme efficace pour assurer le fonctionnement de ses lois du Contenu Local. Il a en outre créée une administration spéciale chargée de veiller à l’application de ses lois. Le Directeur Général de cette agence, Mr. Wole Akinyosoye, a récemment déclaré que ‘le Nigeria a un future industriel des plus alléchants… cependant les compagnies qui voudront faire partie de ce future seront tenues de respecter formellement les lois du Contenu Local Nigérian, parce que les partenariats ne seront plus gérés comme elle l’ont été par le passé’. Au Nigeria la loi sur le Contenu Local accorde le premier choix aux nationaux dans l’attribution des blocks pétroliers et des licences d’exploitation. La loi prévoit aussi que pour les grandes compagnies étrangères, toute prestation de services doit être sous-traitée à des compagnies Nigérianes.

La politique du Contenu Local a contribué à une expansion remarquable de l’économie Nigériane. Elle a suscité la création et l’expansion d’un solide entreprenariat local, pour mieux épauler l’économie Nigériane. La croissance générée par ces compagnies non seulement assure une véritable indépendance économique, mais est de surcroit plus apte a garantir une stabilité économique et sociale du pays.

Dans le cas de la Guinée, la lecture du contrat de base de la CBG, qui lie le pays à Rio Tinto, Alcoa et Dadco, a poussé un grand expert mondial en questions minières a remarquer: «Je ne pensais pas qu’il existait encore dans notre monde moderne un contrat minier qui accorde si manifestement tous les privilèges à la partie étrangère et prive les détenteurs du minerai de tous avantages. Une telle situation est de nos jours inconcevable».

En plus d’être incontestablement biaisé en faveur des compagnies étrangères, ce contrat atrophie la capacité pour l’état Guinéen de faire imposer les provisions contractuelles qui lui auraient permis de bénéficier de certains avantages inscrits dans le document. Par exemple, la Guinée vient d’accorder le droit de transport de la bauxite à une société créée par des Guinéens ayant une longue et vaste expérience dans le transport maritime. Ces Guinéens opèrent une telle entreprise aux Etats Unis d’Amérique depuis trente ans. Ils ont non seulement été pendant plusieurs années agent du Gouvernement Américain mais ont aussi desservis une quarantaine de pays sur quatre continents. Malgré les provisions du contrat de la CBG octroyant à la Guinée le droit de transporter 50% de la bauxite, malgré les instructions du Gouvernement Guinéen, en dépit de l’adoption d’une résolution du Conseil d’administration de la CBG, Alcoa Rio Tinto et Dadco utilisent obstinément, depuis plus de six mois, de tristes astuces pour entraver l’exécution d’une telle formule d’Africanisation.

Cette situation pousse à supporter la détermination du Président Alpha Condé, connu pour son fier nationalisme, de faire de l’une de ses priorités, la révision du Code et de tous les accords miniers précédents, afin d’en corriger les anomalies. Le Président Condé ne peut pas être mieux inspiré car la Guinée ne pourra assurément jamais sortir de sa proverbiale pauvreté s’il ne gère pas de façon plus efficace et plus déterminée les avantages que ses ressources minières devraient procurer à ses populations.

Les ressources minières de la Guinée sont largement suffisantes pour soutenir une croissance économique remarquable qui assurerait une existence bien plus aisée à ses populations. Mais le pays a besoin de calquer l’exemple d’autres pays afin de restructurer ses rapports et contrats avec les sociétés minières. L’objectif principal de la politique économique de la Guinée devrait être de préserver une part grandissante du fruit de ses ressources nationales. La Guinée ne peut pas se permettre de continuer à tolérer les mêmes rapports contractuels qui ont coloré son histoire économique des cinquante dernières années. En toute évidence ces mécanismes n’ont rien contribué à sa croissance. L’état Guinéen a une responsabilité urgente à s’assurer que la gestion de ses engagements avec les partenaires conduisent à l’identification et opérationnalisation de lois strictes sur le Contenu Local afin d’assurer au communautés et entrepreneurs Guinéens un rôle clef dans les secteur vitaux du pays.

Durant l’époque coloniale la France réinvestissait bien plus de 5% des valeurs extraites du sol Guinéen, dans ses infrastructures. Il est donc triste de constater que cinquante six années après son indépendance, la Guinée ne perçoit que 1,2% de la valeur de son minerai.

Mori Diané
Washington, DC

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