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Alpha Condé, après la présidentielle de 1998, il fut condamné à 5 ans
de prison  pour "atteintes à l’autorité de l’Etat et à l’intégrité du territoire
national" . Il passe plus de 2 ans en prison d’être libéré  
le 18 mai 2001 par
une grâce du Président Lansana Conté 
sous la pression internationale.

Alpha Condé nargue ses juges


Quand le célèbre opposant refuse de répondre aux questions de la Cour de sûreté, ce sont ses juges qui, d’un coup, se retrouvent jugés. Jugé aussi, le régime de Lansana Conté et son décalage grandissant avec ses voisins ouest-africains.

Il flotte au tribunal de Conakry comme un air du passé. Un air du temps, heureusement révolu dans les autres capitales ouest-africaines, où les oppositions étaient simplement niées, et où des pouvoirs paranoïaques écrasaient toute velléité d’expression politique indépendante. Alpha Condé, dont le procès pour complot reprend pour la troisième fois en cinquante jours à la Cour de sûreté de l’Etat guinéen, est le dernier grand opposant national ouest-africain à subir cette loi inique.

Incarcéré depuis le second tour de l’élection présidentielle de décembre 1998 sur l’ordre du président Lansana Conté, Alpha Condé est accusé d’avoir fomenté un complot contre la vie du chef d’Etat guinéen. Avec ses quarante-sept coaccusés, il a d’abord récusé ses juges. Ses avocats ont ensuite quitté le tribunal, estimant que les vices de forme ayant entaché l’instruction de l’affaire rendaient impossible la défense de leur client. A la troisième reprise, hier, Alpha Condé a simplement déclaré au tribunal qu’il n’avait " rien à dire ".
Refus du verdict
Début mai, l’opposant avait écrit au président du tribunal afin de protester contre le traitement de son procès par la télévision guinéenne. Selon l’AFP qui a pu lire la lettre, Condé y dénonçait le fait que le média national ait occulté " l’essentiel des dépositions " pour leur substituer " des commentaires orientés ".
Un air du passé, donc : le secrétaire général du Parti de l’unité et du progrès (PUP), au pouvoir, n’a-t-il pas expliqué que la Guinée était " victime d’un lynchage médiatique et d’une manipulation (...) de l’Internationale socialiste et de la franc-maçonnerie " ?
On pourrait en sourire si Alpha Condé ne risquait pas la peine de mort. Quant à l’opposition guinéenne, elle refusera le verdict " quel qu’il soit. "



Guinée Alpha Condé ou le procès de la " sixième colonne"

RACHID N'DIAYE - Africa International Numéro 323 Mars/Avril 1999

Quatre mois après son kidnapping, le leader du Rassemblement du peuple de Guinée n'avait toujours pas été jugé et ses accusateurs n'en finissaient pas de " confectionner " les preuves de sa culpabilité.


Hier l'ancien régime jugeait ses agents de la " cinquième colonne " en leur extorquant des aveux du fond du tristement célèbre camp Boiro et puis la bande passait en différé à la radio, la méthode a fait son temps. Aujourd'hui il faut préserver les formes, même si le fond demeure le même : l'élimination physique ou politique de l'adversaire.
Après l'honorable sortie du Premier ministre Sidya Touré, suivi d'un petit remaniement qui a nommé à sa place le président de la cour suprême Lamine Sidime, le gouvernement tourne en rond, avec toutes les peines du monde à offrir une once de crédibilité au complot imputé à Alpha Condé. Beaucoup d’acteurs et d’intermédiaires politiques qui rêvaient d'un gouvernement de large ouverture sont amers. Ce scénario dans lequel s’est infiltré l’ex-ministre sénégalais Iba Der Thiam lors de sa visite guidée à Conakry au mois de février n’a pas vu le jour. Le président guinéen n’a même pas fait la part belle à son propre parti, le Parti de l'unité et du progrès (PUP) qui n'a pas obtenu les postes ministériels qu’il attendait, au grand regret de ses principaux chefs qui ruminent en privé contre leur candidat. L’actuelle majorité continue sa route, solitaire, à bord d’un avion sans aile, et le système politique sort petit à petit de l’écran de contrôle des règles démocratiques de base de la communauté internationale. Englué dans ce bourbier que constitue désormais l'affaire Alpha Condé, Conakry veut compter sur le soutien de Paris et la prochaine escale du président Jacques Chirac à l'aéroport de Gbessia. Voyage, troublant pour certains conseillers politiques de l'Elysée. " Le président français va-t-il s'ajouter une casserole de plus, en se faisant photographier en compagnie d'un homme qui a kidnappé son adversaire avant la proclamation des résultats et resté
incapable quatre mois après son coup, de montrer les bateaux de mercenaires armés attribués à son challenger ", soulignait récemment un déput socialiste français. Le camp du Premier ministre Lionel Jospin prend ses distance avec Conakry, laissant la gestion de Lansana Conté à quelques officines d'affairistes comptant parmi eux de racistes notoires qui pensent que les africains ne méritent pas mieux qu'un régime de chicotte, du moment que les affaires restent juteuses. Une relation presque masochiste en l'espèce, les français malgré une timide présence dans le secteur de l'eau et l'électricité, ont été écartés de tous les marchés importants: le téléphone confié aux malais, l’usine d'alumine Friguia vendu au franc symbolique, le groupe Bolloré en passe de mettre la clef sous la porte.
Le droit attendra. Les juristes eux ne croient qu'en ce qu'ils voient. Maitre Pierre Olivier Sur, avocat parisien, rejeton d'une illustre famille de juristes français, constitué comme avocat au procès de Alpha Condé, leader de l'opposition kidnappé depuis le 14 décembre dernier à 1000 kilomètres de Conakry a eu toutes les peines du monde pour obtenir son visa à l'ambassade de Guinée en France. Malgré un contact téléphonique et un courrier suivi avec l'ambassadeur de France Christophe Philibert, il a fallu l'intervention directe du Quai d'orsay pour qu'il obtienne son droit d'entrée en Guinée. Après avoir quitté Paris le matin du vendredi 19 février, il débarque six heures après à l'aéroport de Conakry, attendu par le bâtonnier de l'ordre des avocats, Maître Tidiane Kaba, Maître Christian Sow(1), un des avocats de Alpha Condé et par le premier conseiller de l'ambassade de France à Conakry, le jeune énarque Bertrand Cochery. L’avocat français est brutalement remis dans l'avion, motifs: sa présence risque de porter atteinte à l'ordre public !
Depuis quelques jours pourtant, il avait averti le ministre guinéen de la justice, Togba Zegbelemou, de sa volonté de plaider pour Alpha Condé, malgré une tortueuse jurisprudence qui stipule qu'un étranger ne peut pas plaider sur le territoire guinéen. Sans texte, en dépit de la réciprocité en matière de droit et l'existence de conventions internationales : "Pourtant dit-il,
je ne suis ni révolutionnaire, ni philosophe, c'est scandaleux, l'équation est simple, ici nous sommes en deçà de tout, même de la colonisation, refuser l'accès d'un avocat à son client, nous sommes en deçà de la préhistoire du droit". Avant de s'en prendre à l'ambassadeur de France en Guinée dont l'engagement délirant aux côtés des autorités guinéennes, donne des sueurs froides au Quai d'Orsay: "Le fait que l'ambassadeur Philibert ne se soit pas battu à mort pour mon admission, fait preuve d'autorité dans cette affaire, montre que sa présence ne se justifie pas à Conakry. Il aurait dû rentrer avec moi à Paris." De retour à Paris, ,l'avocat a été reçu à l'Elysée, il ne veut même pas se prononcer sur le fond de l'affaire Alpha, parceque la forme déjà lui semble particulièrement choquant que le fond devient subsidiaire: " Cest le flou total sur les conditions de son interpellation, a t-il été arrêté à la frontière, en
Guinée, en Côte d’Ivoire, déguisé en sorcier en marabout ? Avait-il avec lui des hommes, des armes, des zodiacs ? Des histoires à dormir debout, mais enfin qu'on montre donc ces fameux bateaux chargés de rebelles. Il s’agit de l’interpellation d'un homme qui mène un combat politique loyal; on veut faire passer des objectifs politiciens à travers une instruction judiciaire. La question de l'immunité est même dérisoire parce que nous ne sommes pas au comble de la démocratie, mais à sa préhistoire". Conclut-il. Dans cette histoire où la forme a cessé d'être la soeur jumelle de la liberté, pour reprendre l'expression (déjà au XIX ème siècle) du juriste allemand Lhering, c'est l'émoi au sein de la communauté internationale des juristes. Maître Boucounta Diallo, sénégalais, autre avocat de Alpha Condé lui a pu entrer à Conakry, décidé jusqu’au bout à jouer son rôle de conseil . Sa lettre de constitution a été déclarée reçevable sur la forme et le fond, sous réserve que le procureur lui oppose une règle de droit interne. Lui agit au nom de la réciprocité, un avocat guinéen a bien plaidé au procès de Moussa Traoré et au nom du principe de l’ordonnancement juridique, selon la fameuse pyramide Kelsen qui stipule que les lois et conventions internationales s'opposent au juge interne (Convention de la Cedeao, Pacte international relatifs aux droits civils et politiques, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui stipule que chacun a le droit d'organiser sa défense comme il l'entend).
La Guinée est partie à tous ces traités, mais jusque là les juges guinéens vivent sur des l'homme au Sénégal, secrétaire général de la commission de gestion de la paix en Casamance, Boucounta Diallo est serein. Sur les quatre chefs d'inculpation il affirme que : "au départ, Alpha a été arrêté pour des faits relevant de la simple police, c'est à dire la violation des réglements de l’autorité, devant la pression de l’opinion publique ils se sont rendus compte que le relâcher c’était grave pour eux, alors l’Etat a préféré changer de qualification des faits et il fallait confectionner des documents dignes de ce nom. Cést ainsi qu'on est allé vers la rébellion armée, fraude de devises, violence sur agents etc... Tout cela dans une totale confusion, par exemple la violence à agent, est - ce que un certificat médical a été versé au dossier et que je sache, c'est à la personne atteinte dans sa chair de porter plainte, pas l'Etat; c'est à l'agent de porter plainte et de: réclamer des dommages et intérêts pour sévices subis. Vont ils constituer ces dossiers quatre mois après les faits ? ". L'avocat sénégalais qui s'est rendu à Conakry dénonce l'absence totale d'éléments constitutifs et la violation des droits de Alpha Condé et conclut, charitable: " ils ont accusé d'abord et sont allés chercher les preuves après, et encore les fameux documents dont l’imputabilité et les liens de causalité sont loin d'être établis. La notion de flagrant défit est un délit qui se consomme au moment où la personne est arrêtée, pas chercher des preuves pendant des mois, le caractère instantané n'existe pas en l'espèce. Encore faut-il être traduits devant le tribunal des flagrants défits qui va se prononcer rapidement en tenant compte aussi de l'immunité parlementaire de Alpha Condé qui est aussi protégé par la loi électorale. Lansana Conté en tant que candidat ne peut pas exercer des prérogatives de président qu'il n'a pas en campagne électorale, il ne peut pas anticiper sur une victoire autoproclamée, ceci est un précedent dangereux sur le plan de la morale et de l'éthique politique. Si la Guinée veut entrer de manière civilisée dans la communauté internationale, elle doit respecter les régles imposées à ses membres, aujourd'hui nous sommes devant un tournant historique et la Guinée doit prouver ce qu'elle prétend être sinon nous irons jusqu'à la commission des Nations Unies à Genève ". Mais en matière de violation des droits de l'homme, Lansana Conté qui fête ses quinze ans de pouvoir cette année, n'a peur de personne.

(1)  Ministre de la Justice, Garde des Sceaux  du gouvernement guinéen depuis le 04 Janvier 2010

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