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Posted by : Palabre-Infos 3 mars 2011

46 activistes arrêtés pour l'organisation présumée de manifestations
 contre Mugabe, le 23 fév 2011. REUTERS/Philimon Bulawayo
Plusieurs observateurs, français notamment, doutent que l’Afrique subsaharienne connaisse à son tour des révolutions sur les modèles tunisien et égyptien. Ils ont tort. La question n’est pas de savoir «si» l’Afrique fera sa révolution mais «quand» elle la fera.

L’Afrique du sud du Sahara n’est pas une île. Le Sahara n’a jamais été une barrière —ni pour les peuples, ni pour les idées. Les Africains —pris ici dans le sens de «subsahariens» pour les distinguer des Nord-Africains— ne sont pas différents des autres peuples.
Ils aspirent comme les Tunisiens et les Egyptiens à la démocratie, à moins de corruption et davantage de pouvoir d’achat, à un système éducatif de qualité pour leurs enfants, à un travail rémunérateur, à un système de santé efficace et à des élections transparentes.
A lire les «afro-pessimistes», on pourrait croire que les Africains sont incapables de se mobiliser pour leurs idéaux —politiques notamment— trop occupés à lutter chaque jour pour survivre.
Voilà leurs arguments, et voici comment nous les démontons:
Toute révolution est impossible sans Internet ni Facebook
Oui, l’Afrique est, au niveau mondial, le dernier de la classe concernant le taux de pénétration d’Internet dans les foyers, avec moins d’1% de la population connectée. Oui, Internet et les réseaux sociaux ne touchent qu’une infime partie des 800 millions de personnes vivant au sud du Sahara.
Mais les Africains connectés sont souvent des leaders d’opinion. Et surtout, ils peuvent relayer un appel à la grève ou à manifester par un moyen de communication de masse, présent aussi bien dans les villes que dans les campagnes: le téléphone portable.
Qui en Afrique ne possède pas de téléphone portable? Qui en Afrique n’a pas sa carte prépayée, aussi modeste soit-elle? Qui n’a jamais envoyé de SMS, dont le coût est souvent très modique?
Les Africains disposent également d’un autre média aux qualités similaires: la radio. Tout le monde en Afrique écoute la radio; en français, en anglais ou en langues nationales. La «fureur du monde» est diffusée jusque dans le moindre village par le biais des ondes. La moindre manifestation de mécontentement est très vite relayée à l’échelle nationale et internationale.
La multiplication des radios locales privées aide en outre à contourner des radio-télévisions publiques, toujours solidement verrouillées par le pouvoir en place mais qui n’ont plus, de facto, le monopole de l’information.
Les Africains ne sont pas suffisamment diplômés
Certes, ils sont moins diplômés qu’en Tunisie ou en Egypte. Mais ils le sont de plus en plus. Et l’absence de travail dans le secteur officiel gonfle les rangs de cette jeunesse urbaine et éduquée, dont la patience à l’égard de dirigeants souvent perçus comme corrompus, incompétents et égoïstes est limitée.
Qu’on se souvienne du rôle crucial joué par la puissante et redoutée Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) dans la contestation du pouvoir dans les années 90 et lors de la grave crise politico-militaire actuelle que connaît le pays le plus riche de l’Afrique de l’Ouest francophone.
Guillaume Soro, l’ex-Premier ministre de Laurent Gbagbo est aujourd’hui chef du gouvernement d’Alassane Ouattara. Il a dirigé la Fesci de 1995 à 1998.
C’est d’ailleurs le redoutable Charles Blé Goudé, fer de lance des manifestations antifrançaises à Abidjan en 2004 et actuel poids-lourd du camp Gbago, qui lui a succédé en 1998…
Il y a suffisamment de diplômés en Afrique pour enclencher des révolutions; soit en éclairant le peuple, soit, malheureusement, en le trompant.
Il n’y a pas de classe moyenne en Afrique
Tout est une affaire de définition. Une classe moyenne, comme on peut en rencontrer en Europe ou au Maghreb, n’existe guère. Il y a souvent d’un côté les nantis, et de l’autre les nécessiteux. Et l’écart ne cesse de grandir entre ces deux extrêmes. Et c’est cet écart insupportable qui peut générer des changements radicaux.
Mais il y existe une classe moyenne africaine constituée de fonctionnaires, de salariés d’entreprises privées et de commerçants prospères.
Travailler dans le secteur formel est un luxe, qu’on soit simple employé ou cadre, mais surtout le signe d’une appartenance à cette fameuse classe moyenne. Pour ces «privilégiés», les choses doivent changer, sans pour autant que le pays sombre dans l’anarchie, le chaos.
Les classes moyennes, qui possèdent souvent un logement, si modeste soit-il, et des biens électroménagers, ne veulent pas tout perdre. Elles veulent sauver ce qu’elles ont acquis à la sueur de leur front, mais sont prêtes à se mobiliser en cas de menace de déclassement social, notamment via des syndicats.
L’armée restera fidèle au pouvoir
C’est peut-être la plus flagrante des contre-vérités. S’il y a bien un continent au monde à la tête du hit-parade des putschs militaires, c’est l’Afrique. Combien de jeunes capitaines ont renversé des présidents (souvent mal) élus ou d’officiers vieillissants et corrompus?
En Egypte comme en Tunisie, la haute hiérarchie de l’armée a accompagné le mouvement de révolte populaire. En Libye, elle a fraternisé avec les insurgés, obligeant Kadhafi à faire appel aux forces spéciales et à des mercenaires étrangers —comme le maréchal Mobutu l’avait fait en 1997-98, avec l’échec que l’on connaît —il a dû fuir le pays...
Il est vrai que les forces armées africaines sont traversées par des divisions ethniques et régionalistes plus vives que chez leurs voisins arabes. Mais c’est un fait qui ne devrait guère rassurer les autocrates au pouvoir.
La chute du mur de Berlin en 1989 a été suivie quelques mois plus tard par une véritable tempête démocratique en Afrique.
Une génération plus tard, les enfants du bouillonnement démocratique du début des années 90 ne laisseront pas l’Histoire du continent se faire sans eux.

Adrien Hart

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