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Posted by : Palabre-Infos 13 oct. 2012

C'est une histoire qui devrait passionner tous les jeunes de 7 à 77 ans. L'aventure se déroule à une époque où un certain colonialisme reste encore ancré dans les esprits. Un Européen se rend au Congo, véritable Eldorado tant son sous-sol est riche de minerais. L'homme, bien décidé à mettre fin au trafic opaque de minerais qui bénéficie à une caste mafieuse, trouvera beaucoup d'ennemis sur sa route.
Cet homme, vous l'aurez deviné, c'est François Hollande, qui arrive à Kinshasa pour une visite à haut risque.
Dans un pays où, selon le dernier rapport de l'Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), les revenus du secteur miniers sont d'une profonde opacité. Et où une certaine vision de la relation Nord-Sud prévaut toujours: une enquête menée en 2011 par le député écossais Eric Joyce révélait que 59 entreprises fictives basées à Gibraltar et dans les îles vierges britanniques exploiteraient frauduleusement les minerais en RDC, enrichissant quelques multinationales et spoliant les Congolais d'une somme estimée à 5,5 milliards de dollars, selon le député.

Certaines de ces compagnies impliquées dans l'exploitation des sous-sols, en RDC comme ailleurs en Afrique, espèrent bien rester dans l'ombre où elles ont prospéré. Et parfois, comme dans la célèbre bande dessinée, sont prêtes à tout pour y arriver.
On se souvient, en 1960, de la tentative de sécession de la riche province du Katanga, orchestrée par Tshombe, homme de paille aux mains des compagnies minières occidentales qui craignaient une nationalisation de la filière par Lumumba.
On connaît aussi, hélas, les atrocités qui continuent d'être perpétrées au Nord-Kivu. Pendant les massacres, les affaires continuent. Et elles se portent bien, merci.

Le parallèle avec la fameuse BD a ses limites.

Les clichés que pouvaient véhiculer les vignettes d'Hergé ne sont bien entendu plus de mise. Qui pourrait encore douter que l'Homme africain n'ait pris toute sa place dans l'histoire? Et comme mieux vaut éviter les quiproquos, François Hollande a précisé sa pensée à Dakar. Pas de compassion, pas de condescendance, une volonté de remettre un espace entre les mots France et Afrique et d'écrire l'avenir à quatre mains.
Mais comment y parvenir devant le défi démocratique qui se pose dans bien des pays de ce "grand continent"?
Dans ce domaine, la visite à Kinshasa sera particulièrement instructive. Joseph Kabila, fils de son père, n'est pas le moins contesté des leaders africains, et, des ONG à l'opposition congolaise, l'enthousiasme est modéré face à une visite du Chef de l'Etat français que Kinshasa pourrait transformer en campagne de publicité pour le régime.
Pour François Hollande, la solution de cette épineuse équation pourrait bien tenir en un seul mot: transparence. Car lorsque les lumières sont braquées sur les recoins les plus sombres des affaires qui unissent multinationales peu scrupuleuses et potentats locaux, il devient vite intenable de maintenir des pratiques qui ne bénéficient guère aux populations.
Savoir, c'est pouvoir. Pouvoir mettre fin au casse du siècle: ce sont au moins 125 milliards d'euros qui s'envolent chaque année des pays les plus pauvres via des montages financiers toujours plus complexes, au lieu de bénéficier aux populations locales. Bien plus que le montant annuel de l'aide publique au développement mondiale.
Quant à cette dernière, elle a aussi tout à gagner d'une opération vérité.
Pour permettre aux contribuables de comprendre et de suivre les flux financiers distribués au titre de la solidarité internationale. Et lever le fantasme collectif -nourri hélas de quelques exemples bien réels- de dépenses somptuaires et de détournements de fonds, alors que tant d'études démontrent que l'aide, lorsqu'elle est bien investie, peut sauver des millions de vies, combattre l'illettrisme, lutter contre la désertification, promouvoir l'égalité et les droits de l'homme- bref, permettre de sortir du triangle maudit d'une pauvreté extrême, de conditions climatiques de plus en plus dures et d'idéologies en voie de radicalisation.
Une potion amère dont l'Europe, depuis les brutaux retours de bâton, du Mali à la Libye, redoute de plus en plus les conséquences.
Mais quand la transparence avance, c'est bien la misère qui recule, ce sont les droits qui progressent.
Le candidat Hollande l'avait promis lors de l'élection, cette "grande opération de transparence" pour "lutter contre la corruption et les détournements" de l'aide et soutenir une pratique des affaires débarrassées des oripeaux de la Françafrique.
A Bono qu'il rencontrait mercredi, le Président affirmait encore son intention de pousser à l'adoption d'une directive européenne ambitieuse visant à renforcer les obligations de transparence des comptes des industries extractives et forestières.
En 1969, le Général de Gaulle avait dit de Tintin qu'il était son "seul rival international". Après la présidence normale, la visite du Président français au Congo donnera-t-elle, sur la scène internationale, le signal de la présidence transparente?
S'il le faisait, François Hollande pourrait bien faire vaciller le héros d'Hergé sur son piédestal. Mais le jeu en vaut la chandelle. Nom d'une pipe en bois!

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