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Posted by : Palabre-Infos 4 févr. 2013

Fait inquiétant, mais peu surprenant, l’AfriCom de l’armée américaine veut augmenter sa présence en Afrique du nord-ouest. Ce qui avait commencé comme une aide discrète à l’offensive française pour arracher le contrôle du nord du Mali (une ancienne colonie) à des djihadistes indésirables pourrait finir par se transformer en une intervention plus importante.


Le Washington Post rapporte qu’Africom « se prépare à établir une base de drones au nord-ouest de l’Afrique [probablement au Niger] de sorte à pouvoir accroître le nombre de missions de surveillance de la branche locale d’Al-Qaïda et d’autres groupes extrémistes islamistes que les responsables américains et occidentaux disent représenter une menace croissante pour la région ». Mais avant que le mot « surveillance » ne puisse apporter un soupir de soulagement, le journal ajoute : « Pour l’instant, les décideurs disent qu’ils envisagent seulement le vol de drones de surveillance non armés à partir de la base, mais ils n’ont pas exclu la conduite de tirs de missiles à un moment donné en cas d’aggravation de la menace ».

En même temps Bloomberg, citant des responsables militaires américains, indique que le Niger et le gouvernement américain ont « conclu un accord permettant à des militaires américains stationnés dans le pays ouest-africain et leur permettant de s’en prendre à des militants islamistes au Mali voisin, selon des responsables américains... Aucune décision n’a été prise quant au stationnement des drones ».

L’ironie est que les drones de surveillance pourraient bien devenir la raison pour laquelle « la menaces s’aggrave » et pourrait servir de prétexte pour utiliser des drones armés de missiles Hellfire – du même type utilisé plus de 400 fois au Pakistan, au Yémen et en Somalie, tuant des centaines de non-combattants. Passer de la surveillance à des frappes meurtrières donnerait en réalité un sérieux coup de pouce aux recruteurs djihadistes.

Qui exactement les djihadistes menacent-ils dans le nord-Mali ? Ils menacent tous ceux qui souhaitent vivre à l’abri de la charia extrême, comme les Touaregs nomades du nord et les 90 pour cent des Maliens dans le sud. Avant que les djihadistes n’aient été mis en déroute par les troupes, bien accueillies, françaises et maliennes, ils ont infligé des violences terribles dans les villes du Nord, comme Tombouctou.

Mais ces djihadistes sont-ils une menace pour les Américains sur leur sol aujourd’hui ? Il est difficile de le soutenir. Puisque nous savons que les griefs originaux d’Al-Qaïda contre les États-Unis concernaient l’intervention brutale américaine dans le monde musulman, nous savons déjà comment réduire, sinon éliminer, une menace intérieure d’Al-Qaïda au Maghreb islamique : le retrait américain de la région. Si les forces américaines et les drones rentraient au bercail, un réel danger s’éloignerait du même coup. Les djihadistes seraient trop absorbés par les questions locales et régionales pour s’embêter avec des Américains s’occupant désormais de leurs affaires à des milliers de kilomètres de là.

Mais le gouvernement américain devrait-il arrêter d’intervenir là-bas ? Du président Obama jusqu’au simple citoyen, la plupart des Américains pensent bêtement que les intérêts du peuple américain dépendent de ce qui se passe à peu près partout autour de la planète, et que donc pratiquement n’importe quelle crise exige l’usage de la puissance américaine d’une manière ou d’une autre. Le secrétaire à la Défense sortant, Leon Panetta, affirme que le rôle de soutien américain au Mali constitue « le genre de modèle que nous verrons à l’avenir ».

L’Afrique est d’un intérêt particulier pour l’élite politique en raison de son pétrole, de son gaz et d’autres ressources importantes. Ainsi, les responsables américains sont désireux de faire en sorte que ces ressources soient contrôlées par des « amis ». Par le passé, cet objectif a conduit le gouvernement américain à soutenir des dirigeants pratiquant l’oppression, ce qui, par effet de ricochet, a engendré une hostilité envers les États-Unis. Des manifestations au nom de la démocratie sont souvent réprimés avec des armes estampillées « Made in the USA ». Cela n’échappe pas aux populations oppressées.

Le problème est que l’intervention est vouée à l’échec, parce qu’elle crée in fine les ennemis que l’État dit chercher à vaincre. Le meilleur moyen d’obtenir des ressources se fait de manière pacifique, par le biais d’achats sur les marchés.

D’autre part, « l’intervention humanitaire », quelque séduisante qu’elle puisse être, doit être rejetée. Sauver les Maliens de djihadistes violents est en soi une cause louable, mais le gouvernement américain ne peut pas le faire sans recourir à la force contre des personnes innocentes (y compris les contribuables américains).

Il faut enfin se rappeler de la loi des conséquences inattendues. L’intervention onusienne dirigée par les USA contre l’homme fort de la Libye Mouammar Kadhafi a aidé les djihadistes (comme c’est le cas aujourd’hui en Syrie) et leur a ouvert les stocks d’armes qui ont alimenté la poudrière du nord-Mali. Les choses fonctionnent ainsi. Après avoir aidé la France et le gouvernement malien à vaincre les djihadistes, Obama aidera-t-il alors à supprimer les espoirs d’autonomie des Touaregs, ce qui pourrait être le prochain ordre du jour du gouvernement de Bamako ?

Voilà la toile insidieuse tissée par un empire. L’armée américaine est un instrument trop grossier pour ces situations complexes. La sécurité de l’Amérique réside dans la non-intervention.

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