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- [LE MONDE]: Le viol comme arme de guerre : la double peine des femmes
Posted by : Palabre-Infos
26 nov. 2010
Fléau domestique, le viol est hélas connu pour être aussi un butin de guerre. Mais s’il a de tout temps fait partie des récompenses offertes aux soldats vainqueurs, son usage comme arme de guerre est un phénomène qui a pris ces dernières années une ampleur inquiétante.
Aux quatre coins du monde, on constate que le viol prend place dans les tactiques des belligérants.
Qu’il est, comme le décrit l’Observatoire international du viol comme tactique de guerre, un réseau d’ONG créé en 2005, organisé, programmé “dans le but de détruire non seulement la victime individuellement mais également les communautés collectivement. […] Le viol renverse les liens sociaux et familiaux. Dispersant les individus, il perturbe l’organisation même de la société”.Commis de manière systématique et à grande échelle, fréquemment mis en scène pour en maximiser l’impact, ces viols de masse ont des conséquences physiques, psychologiques, sociales et même économiques désastreuses. En Bosnie, au Rwanda, au Libéria, en Birmanie, au Congo, ils ne sont pas liés à une culture particulière mais constitutifs d’une stratégie de terreur qui vise à l’anéantissement d’une collectivité.
“Les femmes sont vues comme l’incarnation de l’identité culturelle adverse et leur corps comme un territoire à conquérir ou comme un moyen d’humilier les hommes de leur communauté. Dans certains cas, le viol est une stratégie délibérée visant à corrompre les liens communautaires. Il constitue une forme d’attaque contre l’ennemi et caractérise la conquête et l’avilissement des femmes ou des combattants capturés“, résume la psychologue Evelyne Josse.
A la veille de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le Secours catholique a organisé un colloque intitulé “Viol en situation de guerre : l’usage des violences sexuelles dans les conflits contemporains”, destiné à mettre en lumière toute l’étendue et la gravité d’un phénomène longtemps tabou et dont la criminalisation est récente.
En effet, si le viol est aujourd’hui officiellement reconnu comme un crime de guerre, un crime contre l’humanité et un acte constitutif du génocide, il n’en a pas toujours été ainsi. Pendant longtemps, les “crimes de genre” n’ont pas été pris en compte par les instruments de droit international. C’est seulement à partir de la mise en place des tribunaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda que s’est constitué un corpus juridique dont l’aboutissement se situe aujourd’hui au cœur des dispositions du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, qui accorde une place prédominante aux “violences à caractère sexiste”.
Si les crimes à caractère sexuel nécessitent un traitement particulier, l’adéquation des outils juridiques ne supprime pas cependant les difficultés d’enquête sur le terrain. Accessibilité et protection des témoins, réticence des agences internationales et des ONG à communiquer des informations aux enquêteurs, circulation de fausses informations, difficulté à établir des statistiques fiables : les données recensées sont souvent incomplètes et ne révèlent “que la partie émergée de l’iceberg“. Principale raison à cela : le silence des victimes. Nombreuses sont celles en effet à ne pas dénoncer les violences qu’elles ont subi par peur des représailles, mais aussi et surtout par peur de la stigmatisation, la “double peine” des femmes agressées.
Crime international, enjeu majeur de santé publique et élément destructeur de l’ordre social, le viol de masse fait l’objet d’une attention croissante de la part de la communauté internationale. ONG et organisations internationales tentent de lutter contre ce phénomène en multipliant les actions de sensibilisation, en améliorant la prise en charge des victimes et en donnant plus de visibilité à la répression pénale : le procès de Jean-Pierre Bemba, qui s’est ouvert cette semaine à la Cour pénale internationale, est ainsi le premier procès jamais intenté dans lequel les allégations de crimes sexuels excèdent largement le nombre d’assassinats présumés. 759 victimes ont été autorisées à participer à la procédure, soit le chiffre le plus élevé à ce jour pour une affaire ouverte par la Cour.
Quelques chiffres :
Selon l’ONU, la violence à l′égard des femmes a été signalée pendant ou après des conflits armés dans toutes les zones de guerre nationale ou internationale. Plus de 500 000 femmes ont été violées dans la région des Grands Lacs depuis 15 ans ; entre 250 000 et 500 000 femmes ont été violées au cours du génocide du Rwanda de 1994; entre 20 000 et 50 000 femmes ont été violées pendant le conflit de Bosnie au début des années 1990.
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