Guinée- Election, la victoire de Alpha condé décortiquée. Alors en politique, la fin justifie-elle les moyens?
21 nov. 2010
Comment Alpha Condé a gagné cette élection...?
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| Alpha Condé |
Alpha Condé est un véritable animal politique. Il l’a prouvé en gagnant cette élection. De 18 % au premier tour, il arrive à la tête du 2ème tour avec 52,52%. Ce n’était pourtant pas donné. Dans un fief de l’UFDG, à Fria, par exemple, au premier tour, il n’a récolté qu’environ 1500 voix, soit 4,72%. Dans cette ville, son score au 2ème tour a été multiplié par plus de 10 pour recueillir un peu moins de 17 mille soit 51,26%. La même prouesse, il l’a réussi dans deux autres bastions de l’UFDG, Kindia et Dixinn, au nez et à la barbe de ceux qui, au lieu de choisir la bonne stratégie en se lançant à la conquête de la Basse Guinée et de la Forêt, sont restés désespérément accrochés à leurs 43%. Tout cela en quatre mois ! Comment celui qui s’est opposé à tous les régimes en Guinée, en est-il arrivé là ? Quelques éléments de réponse.
Acte1 : en plus du fait que nombreux Guinéens pensent qu’il incarne le changement, celui qui, depuis plus de 40 ans, vit, dort, mange politique, a su nouer des alliances avec la plupart des perdants du premier tour. Sa chance fut que ses alliés sont bien écoutés par leurs bases respectives. Cela a permis le report des voix en sa faveur : A Yomou par exemple, au premier tour, Alpha n’a récolté que 8,85 %. Au deuxième tour, les voix de Papa Koly (70,14%), Lansana Kouyaté (5,59%) et Jean Marc Telliano (1,97%), lui ont permis d’engranger 85,54%.
Acte2 : si au premier tour, les affiches du candidat du RPG étaient l’une des plus belles avec des slogans souvent axés sur le changement, sa communication dans les médias n’était pas du lourd. Elle était même de piètre qualité chaque fois que le prof ouvrait la bouche. Ce que ses chargés de Com ont nettement soigné pendant ce deuxième tour. Alors bien coaché monsieur Condé ? En tout cas, ses propos sont devenus beaucoup plus rassurants et plus fédérateurs.
Acte3 : il noue des « alliances » avec les coordinations régionales de la Forêt, la Haute Guinée et la Basse Guinée. Devant le marché de la Forêt à Conakry, il se met en poster géant avec deux leaders de cette région : Papa Koly et Jean Marc Telliano. Au même moment, l’UFDG inondait, par milliers, la région de Nzérékoré et environs de CD mettant en vedette notre fameux capitaine Moussa Dadis Camara qui tombait à bras raccourcis sur le prof ! Le hic, c’est que la diffusion était anachronique – Dadis, face à deux journalistes de 3A télésud, dont l’un est reconnu comme un sympathisant invétéré de l’UFDG, tentait de se justifier tout juste après le 28 septembre sur le massacre du stade alors que les initiateurs du CD tentaient de faire croire que c’était une interview « récente ». Cette manière de procéder était une forme de sous estimation de la très grande lucidité des populations de la Guinée forestière. L’UFDG l’a payé cash car, au second tour, elle a essuyé ses plus sérieux revers dans cette zone de la Guinée. En Basse-Guinée, Alpha a joué à fond l’appartenance de sa maman à cette région : « votez pour votre neveu…» A ça, il ajoute une campagne de proximité. Va dans les petits villages pour leur parler dans leur langue, assiste aux cérémonies sociales, etc.
Acte4 : il se bat comme un beau lion pour lutter contre les défaillances du premier tour. Il se mit donc sur deux fronts : la campagne électorale qu’il n’a jamais cessé depuis le premier tour et ce qu’il a présenté comme une lutte pour « l’équité au sein de la CENI ». En fait, chaque fois que l’occasion se présentait, il ouvrait un contre-feu qui distrayait l’UFDG et son leader. Il semblait doué d’ubiquité ! Il faut aussi dire que ses alliés ont été judicieusement utilisés. Si bien que l’alliance Arc-en-ciel fonctionnait parfaitement même quand le leader était absent.
Acte5 : il a su profiter des moindres erreurs (ça ne pardonne pas en politique) de son adversaire : le mot d’ordre de ville morte lancé par Bah Oury au moment où la population voulait vaille que vaille en finir avec les élections. Il a su aussi profiter des maladresses de la CENI qui, soutenue par les adversaires d’Alpha, se targuait d’être prête. Mise devant les fait, la CENI fait machine arrière. L’occasion était idoine pour le candidat du RPG de montrer devant l’opinion surtout nationale que la vérité était de son côté. Dès cet instant, il a réussi à mettre ses adversaires en mode « réaction ». Cette attitude est impardonnable en politique où l’initiative doit être gardée par celui qui veut gagner la bataille. Mieux, le futur vainqueur doit choisir le moment de la bataille, l’endroit de la bataille et, pourquoi pas, le type d’armes... Sur ce plan précis, l’échec a été total au niveau de l’UFDG.
Acte6 : Comme par enchantement, il importe une importante quantité de riz (aliment de base du Guinéen) qu’il revend à un prix 15 fois voire 20 fois (c’est selon l’endroit) moins cher que le prix sur le marché. Ce geste, il le fait presque à la veille de l’élection. Pour certainement se mette à l’abri de toute réaction de son adversaire qui pouvait faire mieux s’il en avait eu le temps. Pour signifier sa reconnaissance envers Alpha, une femme exulte: « celui qui, sans être au pouvoir, te donne deux kilos de riz, te donnera un sac quand il le sera. » Elle a, à coup sûr, constitué une voix pour l’opposant historique.
C’est entre autres méthodes utilisées par le dernier des Mohicans -allusion faite à Jean Marie Doré, Bâ Mamadou, Siradiou Diallo, Lansana Conté-, pour conquérir le cœur de la majorité des Guinéens qui se sont rendus aux urnes. L’échec d’Alpha aurait pu être interprété comme l’échec de l’opposition politique à Lansana Conté, insulté et vilipendé avant sa mort en décembre 2008. La méthode pourrait être contestée, mais comme le dit Nicolas Machiavel dans son chef d’œuvre « Le Prince », en politique, la fin justifie les moyens.
Ibrahima S. Traoré pour Mediaguinee.com
