- Back to Home »
- CAN 2012 , Football , Gouvernance , GUINEE , Sily national , SOCIETE »
- SOCIETE| VIOLENCES A CONAKRY : Foot, pénurie électrique et chômage
Posted by : Palabre-Infos
26 janv. 2012
La Guinée a perdu contre le Mali ( 0-1) pour son premier match de la CAN 2012 |
Le mardi 24 janvier, un peu avant le coup d’envoi du match
Mali-Guinée, des témoignages ont fait état de la descente de jeunes dans
certains quartiers de Conakry. C’était notamment le cas à Dixinn,
Taouyah, Kipé, Gbessia et Sangoyah, entre autres. Dans ces zones, les
jeunes, pressentant qu’il n’y aurait pas de courant pour leur permettre
de suivre la rencontre, ont envahi les principales rues, y érigeant des
barricades, brûlant des pneus, attaquant et caillassant les autos. Des
boutiques ont été vandalisées et des vitres de véhicules brisées. Jusque
tard, les stigmates de la violence étaient clairement perceptibles dans
les rues.
Et au lendemain de cette double épreuve sportive et sécuritaire, les
interrogations ne manquent pas quant aux raisons qui ont conduit à cette
explosion de violence. C’est ainsi que l’on entend ça et là que si les
jeunes ont investi les rues, c'est parce que les familles n’encadrent
pas suffisamment les enfants. Ce serait simplement parce que l’éducation
ferait défaut. Ce genre d’explications a le défaut de la simplicité et
de la paresse, car en réalité, les facteurs sont ailleurs.
Et le premier de ces facteurs, c’est bien sûr le goût sans doute trop
manifeste des supporters guinéens pour la chose footballistique. Les
Guinéens aiment un peu trop leur équipe au point d’en faire la priorité
des priorités. Mais moins cet amour désintéressé, c’est la récupération
que les politiques en font qui est véritablement en cause. Alors que
partout ailleurs, une équipe nationale de football représente une
préoccupation parmi tant d’autres, en Guinée, chaque phase finale à
laquelle prend part le Syli, est une occasion de mettre tous les autres
projets dans les placards. On arrête tout pour se préoccuper uniquement
du Syli.
Les pouvoirs politiques incapables de trouver de vraies alternatives
susceptibles de sortir les jeunes de leur misère ambiante, veulent se
servir du Syli pour endormir les multiples revendications et espérer
ainsi un répit. C’est ainsi qu’à la veille de la CAN, on a multiplié les
démarches tendant à faire croire à cette jeunesse qu’elle pourrait
suivre sans problème les matches de la CAN.
Dans le même ordre d’idées, on a remarqué une implication trop
marquée du chef de l’Etat en personne. Il a ainsi donné jusqu’à 1, 5
milliards de GNF pour la campagne de cette équipe. Et à sa suite, tous
les autres services à la fois publics et privés se sont emballés. Et le
phénomène est devenu la mode. Dans ce cadre, il est difficile de ne pas
comprendre l’attitude de ces jeunes qu’on prive subitement de suivre
leurs matches, alors qu’on a passé tout le temps à les y préparer.
La pénurie électrique est également un élément explicatif des
violences qui ont été constatées le mardi à Conakry. Il faudra rappeler à
propos qu’après Coronthie et Kamsar, c’est la nième fois que l’on
manifeste pour réclamer une meilleure desserte du courant électrique. On
pourra toujours dire que le problème n’étant pas nouveau, il n’était
pertinent que l’on sorte juste pour une histoire d’un match de football.
Seulement, les jeunes en question avaient été rassurés. Le président
de la République en personne a demandé à EDG de permettre que la CAN
soit suivie sans délestages. Et quand une injonction vient d’aussi haut,
on ne peut pas comprendre qu’elle ne soit pas suivie à la lettre. A
l’évidence, le pouvoir d'Alpha Condé ne brille pas par le respect que
lui témoignent certains des cadres de son administration. Ca, certains
ne sont pas prêts à l’admettre. Avec les violences d’hier, on a ainsi
voulu dire au chef de l’Etat de ne point faire des promesses qu’il ne
peut pas tenir, mais aussi qu’il s’assure de l’application des ordres
qu’il donne.
Le dernier élément censé rendre compte des violences d’hier, c’est
bien le chômage massif des jeunes. C’est en effet parce que la majorité
de la jeunesse guinéenne est désœuvrée qu’elle se passionne tant pour le
foot et pour la violence. On remarquera d’ailleurs que tous ceux qui
avaient érigé des barricades dans les rues n’ont aucun
emploi. Globalement, il s’agit de jeunes qui, à défaut de trouver une
occupation, se livrent abusivement à la consommation de la drogue et de
l’alcool dans les différents quartiers de la capitale guinéenne.
Cette subite descente dans la rue, loin de traduire exclusivement un
sentiment relatif à la pénurie électrique, est un acte de défoulement
destiné à exprimer tout à la fois : l’incertitude, la déception, le
désenchantement, l’angoisse, le désarroi, etc. d’une jeunesse en perte
de repères et privée d’espoir. L’hyper importance que l’on donne à une
campagne sportive comme celle du Syli actuellement, au détriment
notamment des grands projets susceptibles d’aider à résoudre la
problématique du chômage, est la preuve que l’on se trompe d’objectifs
et de priorités.
Momo Soumah: GuineeConakry.info