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- MALI| Ils font du business avec la crise malienne
Posted by : Palabre-Infos
12 oct. 2012
[AgenceEcofin] Jadis,
certains investisseurs internationaux prenaient la carte de l’Afrique
et cochaient en rouge les zones sensibles. A éviter. Aujourd’hui, face à
la concurrence, la plupart ont appris à faire des affaires dans les
régions à risque. Ils font du business avec la crise malienne :
synthèse.
La
plupart des spécialistes du Mali sont unanimes sur un point : avant le
coup d’Etat du 21 mars qui a conduit à la chute d’Amadou Toumani Touré,
l’économie nationale - minée par la corruption de l’élite politique et
l’expansion de l’économie informelle - était plongée dans une crise
profonde. En 2011, la croissance réelle s’est repliée à 1.1 %. En cause,
la chute de la production agricole, l’envolée des cours des produits
alimentaires et des hydrocarbures, auxquelles se sont ajoutées la guerre
en Libye et la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. En accélérant
l’effondrement de l’institution étatique, les islamistes ont contribué à
redessiner le marché malien, et même sous régional, en favorisant le
business de la guerre.
Sur
le plan humanitaire, les associations et ONG internationales guettent
le moindre départ de pandémie, de pénurie d’eau potable ou de famine
pour lancer les collectes de fonds. Les chasseurs d’images traquent déjà
les photos de femmes et d’enfants malnutris ou sans abris qui
illustreront les affiches des prochaines campagnes de fundraising.
Dans la crise humanitaire qui ne manquera pas de survenir en cas
d’intervention militaire étrangère, les fabricants de médicaments et de
matériels de premiers secours ainsi que les industriels de l’eau tels
que Severn Trent, pour n’en citer qu’un seul, anticipent de bonnes
affaires grâce aux commandes des ONG, des grands pays donateurs et des
agences spécialisées de l’ONU.
Le business des mines a flambé en même temps que le commerce illicite
Dans
la partie sud du pays, les hôtels, restaurants et centres de loisirs -
pour ceux qui ouvrent encore - fonctionnent en moyenne à moins de 30% de
leurs capacités. Face à la déliquescence du tertiaire, le business
repose essentiellement sur ses deux autres piliers que sont l’or et le
coton qui génèrent à eux seuls 30% du PIB malien. Pour ce qui est de
l’or, les analystes attendent une production de 12 tonnes, en 2012, des 8
mines en exploitation à Sikasso (Kalana, Kodiéran, Morila, Syama) et à
Kayes (Kadiolo, Loulo et Tabacoto, Yatela), ce qui fait du Mali le
troisième producteur africain d’or. Bien que l’Etat malien ne bénéficie
que de 20% des revenus de ces mines, les autorités n’ont eu de cesse de
céder de nouveaux gisements aux entrepreneurs privés. Quant au coton, la
campagne agricole 2012-2013, devrait battre un record avec 600 000
tonnes de coton graine et 2,5 millions de tonnes de céréales, d’après
les chiffres de la Compagnie Malienne du Développement des Textiles.
Dans
la partie nord, avec l’interdiction instaurée par les islamistes de
commercialiser du tabac et de l’alcool, la contrebande a pris une
ampleur phénoménale. Dans un contexte où les couples illégitimes, les
buveurs d’alcool ou les fumeurs pris en flagrant délit sont fouettés sur
la place publique, il faut discrètement demander du « paracétamol » au
marché noir pour obtenir une cigarette. Le marché central de Gao, quant à
lui, grouille de monde tous les jours. Mais curieusement, malgré la
hausse des prix, les produits de base restent disponibles.
Aucun grand média ne relève les efforts du lobby militaro-industriel
Les
grands médias veulent faire croire à l’opinion publique internationale
que Bamako et ses alliés étrangers ont subitement découvert le danger
islamiste dans une zone sahélienne sous haute surveillance électronique
de l’aviation étatsunienne. Sous couvert de la lutte contre le
terrorisme islamiste, on fait témoigner les populations déplacées -
parmi les 200 000 qui ont fui les combats dans le septentrion malien -
en faveur d’une intervention militaire étrangère sans en livrer les
vrais mobiles économiques et géostratégiques sous-jacents. Comme dans
une espèce d’entente secrète, aucun grand média ne relève les efforts du
lobby militaro-industriel, à New-York notamment, pour encourager
certains membres du Conseil de sécurité des Nations unies à participer à
une intervention armée dans le nord Mali.
Etalée
sur 4 millions de km², la zone sahélienne est devenue le principal
point d’attraction des islamistes radicaux du sud du Niger, du Tchad et
du nord du Nigeria. Pour certains analystes militaires, un « petit point
lumineux » intéresse les Occidentaux dans cette région : Tessalit, dans
la région de Kidal, une base ultra stratégique aux plans économique et
militaire. Le contrôle des accès aux matières premières minières dont le
gaz et le pétrole, l’or et l’uranium que possèdent les sous-sols
algérien, libyen, nigérien et malien, ainsi que la stratégie atlantiste
de blocage de la montée en puissance chinoise dans cette partie du monde
constituent les enjeux majeurs de ce qui se trame dans le nord Mali.
L’aide logistique profite aux capitales voisines du Mali, sauf à Alger
Dans
son édition du 6 avril 2012, le journal malien «L’Indépendant»
annonçait une livraison de matériel militaire du Qatar par avion-cargo à
l’aéroport de Gao, à destination des rebelles. Un précédent
ravitaillement était intervenu le 10 mars 2012, déchargeant plusieurs
véhicules 4X4 et d’importantes quantités d’armes sophistiquées et de
munitions. Le 6 juin 2012, le journal satirique, Le Canard Enchainé, s’appuyant sur des informations de la Direction du Renseignement militaire français, annonçait que « les insurgés du MNLA (indépendantistes et laïcs), les mouvements Ansar Dine, Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) et MUJAO (Djihad en Afrique de l’Ouest) ont reçu une aide en dollars du Qatar ».
D’après
nos informations, le Département de la Défense américain a alloué des
camions, des uniformes et du matériel de communication à la Mauritanie
pour un montant de 6,9 millions USD en juillet 2012. Dans le même élan,
Washington a décidé l’octroi de 11,6 millions de dollars au Niger sous
forme de matériels d’équipement, de surveillance et de transport des
troupes. Ouagadougou a également bénéficié des faveurs américaines pour
permettre aux forces spéciales US de se déployer dans le cadre du
programme de surveillance « Sand Creek » à partir d’une base
située au Burkina Faso. Opposée à une intervention militaire
occidentale, l’Algérie qui partage plus de 1 300 km de frontières avec
le Mali, serait prête à revoir sa position si les Etats-Unis acceptaient
de lui fournir des drones de surveillance. Ce à quoi Washington répond
par la négative. En somme l’aide logistique bénéficie aux capitales
voisines du Mali ; sauf à Alger, idéologiquement trop proche de Moscou
et de Damas.
Les ingrédients pour passer de l’économie de guerre à la guerre économique
Dans
le cadre de son économie de guerre, Bamako a instauré un train de
mesures exceptionnelles, depuis quelques mois, dans le but de maintenir
les activités économiques indispensables au pays. L’importation de
produits agricoles à forte teneur de glucide, des commandes de matériel
militaire, des cessions de gisements de matières premières à des
entrepreneurs privés sont autant de business accélérés par l’Etat depuis
le putsch du 21 mars. Malgré ces efforts, les conditions de vie des
Maliens se sont considérablement détériorées. Le chômage et la précarité
consécutifs au ralentissement des activités et aux fermetures
d’entreprises, la réduction de la production agricole, le
renchérissement des prix des denrées de base et la détérioration des
échanges avec les pays voisins ont créé les conditions propices à
l’expansion d’une économie parallèle et au trafic de produits illicites.
D’un autre côté, l’économie de guerre est toujours une occasion de croissance et de développement pour
les pays non belligérants géographiquement et/ou économiquement proches
de la zone de conflit du fait qu’ils peuvent augmenter leurs
exportations aux belligérants. La crise malienne n’y échappe pas,
les politiques ayant réuni tous les ingrédients nécessaires pour passer
de l’économie de guerre à la guerre économique. Depuis le coup de force
militaire du 21 mars, certains opérateurs, algériens, sénégalais,
nigériens et mauritaniens notamment, ont littéralement transformé leurs
frontières avec le Mali en comptoirs de trafic, avec la complicité de
douaniers véreux. Devant la baisse drastique des
exportations vers la sous-région - le Mali est une zone de transit
importante au sein de l’UEMOA – des vendeurs de produits pétroliers et
des matériels de construction, pour ne citer qu’eux, réalisent des
montages ultra sophistiqués et hautement risqués pour leur sécurité, qui
s’avèrent de loin plus rentables et plus concurrentiels qu’en période
de paix.
Pour
les États et les entreprises qui font du business avec la crise
malienne, la liquéfaction de l’institution étatique et la lutte contre
le terrorisme islamiste offrent deux fenêtres de tir exceptionnelles
pour transformer ce pays en un vaste marché noir.
Guy Gweth