• Rappel des faits
L’Allemagne était une puissance coloniale entre 1884 et 1915 dans ce
qui s’appelait à cette époque le « Sud-Ouest africain allemand ». Au
début de la Première Guerre mondiale, l’Afrique du Sud envahit la
colonie allemande, qui capitule le 9 juillet 1915.
Un soulèvement herero en 1904, causant la mort de plusieurs centaines de colons, va conduire à une brutale répression. Les historiens, d’accord pour qualifier cette répression de génocide, parlent de plusieurs dizaines de milliers de victimes, fusillées, mortes de faim après leur expulsion dans le désert ou au terme d’une détention inhumaine dans des camps de concentration. Les corps sont jetés aux requins, les têtes soigneusement nettoyées envoyées en Allemagne pour être étudiées et justifier les thèses raciales prévalant à l’époque.
Plusieurs dizaines de ces crânes ont été restitués ces dernières
années. Mais la reconnaissance du génocide est laborieuse dans ce pays
pourtant responsable de la Shoah. Cela paraît a priori paradoxal, mais
cela s’explique sans doute par l’importance centrale jouée par la
« solution finale » dans l’Allemagne d’après-guerre, qui a fait passer
le passé colonial – le pays perd toutes ses colonies après 1918 – à
l’arrière-plan. Et puis peut-être aussi, la volonté de ne pas diluer en
quelque sorte la singularité exemplaire de la Shoah en reconnaissant un
autre génocide.
Même si les historiens établissent des parallèles qu’il s’agisse des
théories racistes des Allemands dans leurs colonies africaines ou de
personnes ayant eu des responsabilités sur place et qui poursuivront
leur carrière sous le Troisième Reich. L’Allemagne évoque jusqu’à
présent « une responsabilité historique particulière » et argumentait en soulignant que le concept pénal de génocide n’avait été introduit par les Nations unies qu’en 1948.
• Difficile position
Sur place en Namibie, la population herero n’est pas au pouvoir et
pas forcément bien vue des dirigeants issus de l’ethnie ovambo. Le
gouvernement n’a pas soutenu les descendants des victimes dans leur
demande d’excuses et d’indemnisations allemandes privilégiant l’aide au
développement de Berlin. Cette question fait à nouveau débat parce
qu’il y a d’abord l’anniversaire du départ des troupes allemandes de
leur colonie le 9 juillet 2015. A cette occasion, un haut responsable
allemand, le président du Bundestag Norbert Lammert, a pour la première fois admis que les massacres commis contre les peuples hereros et nama constituaient un génocide.
L’opposition au Parlement, les Verts et le parti de gauche Die Linke,
se sont engagés pour une telle reconnaissance. Des délégations hereros
venues de Namibie sont venues à Berlin plaider leur cause. Un dialogue
s’est mis en place avec le ministère des Affaires étrangères allemand.
L’anniversaire d’un autre génocide, celui commis contre les Arméniens
il y a 100 ans par la Turquie, a mis en exergue la difficile position
allemande. Des hauts responsables à commencer par le président Joachim
Gauck ont clairement qualifié ces massacres de génocide alors que Berlin
ménageait traditionnellement Ankara. Dès lors, la position allemande
devenait de plus en plus délicate. La Turquie, qui n’avait pas apprécié
la condamnation du génocide arménien par Berlin, n’avait d’ailleurs pas
manqué de rappeler que l’Allemagne refusait de qualifier ainsi les
massacres commis dans la Namibie actuelle.
Source: RFI