Posted by : Palabre-Infos
15 sept. 2011
Amnesty internationale dénonce les exactions contre les noirs africains
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Décidément, il ne fait pas bon avoir la peau noire en Libye. Les immigrants d’Afrique noire (en majorité des Soudanais, Tchadien, Nigérien, Malien, Sierra-Léonais, Libériens) y sont pour ainsi dire fusillés d’un regard noir, et les discriminations contre eux sur fond de racisme y sont monnaie courante. On se rappelle que, déjà en 2000, les émeutes raciales avaient fait plusieurs dizaines de victimes. Cette haine semble s’être exacerbée avec la révolution entamée en février 2011.
En effet, les immigrés, estimés à plus d’un million de travailleurs peu qualifiés, sont accusés d’être des mercenaires à la solde du Guide éconduit, Mouammar Kadhafi, et persécutés. Pourtant, bien qu’ils aient la noirceur de leur peau en partage, ces derniers ne sont pas tous des mercenaires. Il y a bel et bien parmi eux de simples migrants ou aventuriers à la recherche d’un mieux-être. Si l’on peut comprendre, dans une certaine mesure, la volonté des ex-rebelles d’en finir avec les derniers pro-Kadhafi, on peut moins comprendre que la traque des kadhafistes se soit transformé en chasse aux Noirs.
Dans sa furie contre les mercenaires du colonel déchu, le Conseil national de transition (CNT) voit… rouge. En témoigne le récent rapport d’Amnesty International, intitulé «Bataille pour la Libye : assassinats, disparitions et torture»,dénonçant, entre autres, des «crimes de guerre» des ex-rebelles ainsi que des exactions contre les Africains noirs.
Certains passages du document, de 112 pages, font tout simplement froid dans le dos. Morceau choisi : «Les manifestants à al-Bayda se sont rendus maîtres de la base aérienne de la ville, et ont exécutés cinquante mercenaires africains, ainsi que deux conspirateurs libyens». Il y est question également de détentions sans mobile apparent, sinon celui de «déstabiliser la révolution», dont certaines débouchent sur des séances de torture. «Conséquence des affrontements qui opposent depuis six mois pro et anti-Kadhafi, les populations immigrées (1,5 à 2,5 millions d’individus) – notamment celles sans papier - font les frais d'une suspicion permanente de la part de la population libyenne. Empêchés de quitter le territoire aux débuts des affrontements par les soldats de l’ancien régime, ils sont désormais perçus par certains ex-rebelles comme des mercenaires pro-Kadhafi, de par la couleur de la peau, car provenant le plus souvent d'Afrique subsaharienne», dit le rapport.
En effet, plus de la moitié de la population carcérale est noire, la majorité ayant été arrêtée sur la seule base de la couleur de leur peau : la même que celle de ceux qui ont été, à l’époque, enrôlés par Kadhafi à coup de petrodinars pour mater la rébellion. Le rapport explique cet état de fait par la difficulté du CNT à «contrôler les combattants de l'opposition et les groupes d'autodéfense responsables de graves atteintes aux droits de l'homme».
Le pire dans cette histoire, c’est le silence «assourdissant» dont font montre les pays dont sont ressortissants les immigrés persécutés. «Le pire, ce n'est pas la méchanceté des gens mauvais, mais le silence des gens bien», nous répétait justement notre regretté confrère Norbert Zongo. Comment comprendre que les Etats dont ils sont originaires ne réagissent toujours pas, ne serait-ce que par une condamnation des exactions par l’Union africaine ? Même si bon nombre d’entre eux ont officiellement reconnu le CNT, leur silence frise la démission face à la série noire dont sont victimes leurs ressortissants en Libye.
Quoi qu’il en soit, il est temps que ce roman noir prenne fin ; et que la «Nouvelle Libye», tant attendue, soit une Nation «arc-en-ciel» où la couleur de peau ne comptera en aucun cas.
Source: Hyacinthe Sanou / lobservateur.fr