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- PORTUGAL| Ses anciennes colonies lui viennent en aide financièrement.
Posted by : Palabre-Infos
29 sept. 2012
Autrefois
puissance intercontinentale incontestable, la suprématie du Portugal a
fini par décliner au fur et à mesure de l’abandon de ses colonies.
Aujourd’hui, dans une situation financière difficile, ce sont pourtant
ces mêmes anciennes colonies qui, sans rancunes, participent à
l’évacuation des gros nuages noirs du ciel lusitanien. Mieux encore, le
Portugal pilote depuis Lisbonne et en totale symbiose avec ses anciens
satellites, une mission pour glorifier et défendre la culture portugaise
dans le monde entier.
« Nul n’est pauvre que celui qui pense qu’il l’est », affirme un proverbe portugais.
Au
milieu du XVIe siècle, il est clair que ce pays était loin d’être
pauvre puisqu’à la tête de plus de dix millions de kilomètres carrés,
l’empire disposait de ressources infinies convergeant vers Lisbonne.
Pourtant, progressivement, les colonies se sont émancipées, privant le
Portugal de la majeure partie de ses richesses. De fait aujourd’hui, ce
petit pays, calé entre les hauts plateaux ibériques du sud-ouest du
continent européen et l’océan Atlantique, ne couvre que 2,1% du
territoire de l’Union européenne, franchissant tout juste la barre des
dix millions d’habitants. Et, en l’occurrence, l’économie du Portugal ne
se remet pas de ses pertes coloniales, et ce malgré l’euphorie apportée
par la révolution des œillets de 1974 et l’adhésion à la Communauté
économique européenne en 1986.
Le Brésil et l’Angola à la rescousse
Certes,
les rentrées d’argent frais successifs venant tantôt du Fond monétaire
international au début des années 80, tantôt de la CEE dans les années
90, ont permis au pays de moderniser son service public et en
particulier son réseau de transport, sans pour autant apporter aux
jeunes institutions démocratiques de quoi faire face aux éventuelles
crises financières. De fait, dès qu’elle a franchi l’Atlantique, la
crise a dévoré les fragiles et inexpérimentées finances du Portugal, les
transformant en une cascade de cracks bancaires, immobiliers puis
sociaux impossible à enrayer pour les gouvernements de gauche puis de
droite. C’est pourquoi, à genoux, le pays s’est résolu à accepter
l’assistance financière de la Troïka en juin 2011.
Outre
cette insuffisante perfusion de la Troïka, le pays continue à chercher
des partenaires commerciaux. Et curieusement, la situation délicate du
pays ne laisse pas indifférent les seuls partenaires européens ; les
pays émergents de langue portugaise, Brésil en tête, se sont en effet
empressés de venir en aide à Lisbonne.
« Il est dans notre intérêt que le Portugal sorte de cette crise le plus rapidement possible »,
affirmait même il y a peu la présidente Dilma Roussef au Premier
ministre portugais Passos Coelho. C’est pourquoi la Banque nationale
brésilienne de développement (BNDES) est ainsi entrée dans le capital de
grandes entreprises portugaises comme le cimentier Cinpor, Energias de
Portugal ou le réseau de presse Radio e Televisão de Portugal,
omniprésent dans le monde lusophone.
Plus
surprenant encore, l’Angola se trouve également aux petits soins des
entreprises portugaises. Que ce soit dans l’agroalimentaire, l’énergie
ou le secteur bancaire, le pays s’inscrit désormais à la tête d’un
capital d’actifs portugais relativement important. Il est à noter, par
exemple, que la Sonangol (Sociedade Nacional de Combustíveis de Angola,
société pétrolière nationale), détient, depuis fin 2011, 12,44 % des
parts de la BCP (Banco Comercial Português), ce qui lui permet d’être
actionnaire majoritaire et de prendre les rênes de l’entreprise
(modifiant ainsi à souhait toutes ses structures administratives).
Des investissements loin d’être anodins
De
par leur ampleur d’abord, mais surtout de par leur visée politique, ces
investissements revêtissent un aspect tout particulier pour ses pays
émergents. En ce qui concerne l’Angola, ses investissements « envoient un signal politique fort », selon António Ennes Ferreira, professeur à l’ISEG (école supérieure d’économie et de gestion de Lisbonne), qui ajoute « c’est un moyen pour le pays de s’affirmer dans la sphère lusophone dont il espère tirer des bénéfices économiques ».
Pour le Brésil, qui investit déjà depuis plusieurs décennies au
Portugal, la ligne directrice suivie consiste à prendre le marché
portugais comme un tremplin vers le reste de l’Europe. Dans le même
temps, s’il est vrai que les politiques de privatisation tout azimut
lancées notamment par le gouvernement de coalition de Pedro Passos
Coelho ont pour but de récupérer un maximum de recettes, il est clair
que le Portugal donne une longueur d’avance aux investisseurs de langue
portugaise par rapport aux Chinois notamment, eux aussi à l’affût.
En
outre, l’envolée du taux de chômage des jeunes au Portugal pousse cette
nouvelle génération très diplômée et sans perspective d’avenir à
s’exiler sous d’autres cieux. Mais au lieu de rejoindre le nord du vieux
continent, les Portugais partent dans l’hémisphère sud rejoindre des
contrées qui ont besoin d’architectes et d’ingénieurs pour préparer la
coupe du monde de football de 2014 et les Jeux olympiques de 2016, à
l’instar du Brésil, ou pour reconstruire le pays ravagé pendant de
longues années par une guerre civile, comme en Angola. Ces deux pays,
contrairement au Portugal, ont les moyens de payer ces nouveaux
travailleurs : l’un est désormais la sixième économie du monde, tandis
que l’autre affiche un taux de croissance de 15% l’an. En somme, dans
certains médias portugais, ces deux pays n’hésitent pas à exhorter les
chômeurs à les rejoindre. Mieux, le premier ministre portugais, en
personne, a exhorté début juillet ses jeunes chômeurs à émigrer vers ces
deux pays au marché du travail dynamique.
Étroite coopération
Si
l’aspect économique revêt aujourd’hui, de par la crise financière qui
touche les pays émergents, une importance toute particulière dans les
relations qu’entretient le Portugal et ses anciennes colonies, il ne
faut pas pour autant en négliger la bonne tenue des relations
diplomatiques que le pays, présidé par Aníbal Cavaco Silva depuis 2006,
échange désormais avec ses anciens territoires d’outre-mer. Cette
normalisation des relations diplomatiques partait pourtant de très loin à
la suite des meurtrières guerres d’indépendance en Afrique,
principalement en Angola et au Mozambique, et des difficiles relations
qui s’installèrent depuis l’indépendance du Brésil en 1822. Dans les
années 80 ensuite, les guerres civiles ravageant Maputo et Luanda
n’arrangèrent rien tandis qu’un conflit opposait toujours le Portugal à
la Chine concernant le comptoir de Macao, rétrocédé définitivement à
l’empire du milieu en 1999.
Finalement,
au début des années 90, sous l’impulsion des législatures du
social-démocrate Aníbal Cavaco Silva et profitant d’un apaisement en
Afrique subsaharienne, le Portugal s’est empressé de reconstruire ses
relations suivant l’article 7 de la Constitution « Le Portugal maintient des liens d’amitié et de coopération privilégiés avec les pays de langue portugaise ».
Dans cette optique, une Communauté des Pays de Langue Portugaise
regroupant le Portugal, le Brésil, l’Angola, la Guinée Bissau, le
Cap-Vert, Sao Tomé-et-Principe, le Mozambique puis le Timor Oriental en
2002, voit le jour à Lisbonne en 1996. La CPLP a pour but de diffuser la
culture lusophone à travers le monde, promouvoir l’état de droit dans
tous les pays parlant le portugais, orchestrant par là même une étroite
coopération politique puis économique entre ces différents pays.
Les
derniers différends coloniaux classés, à l’instar du barrage
hydroélectrique de Cahora Bassa abandonné en 2006 aux autorités
mozambicaines, ont permis à la Communauté de se faire entendre sur la
scène internationale, aidant notamment l’économie de l’archipel de Sao
Tomé-et-Principe, soutenant les populations opprimées du Timor Oriental
pendant la domination indonésienne et surtout luttant contre les coups
d’état en Guinée Bissau. C’est d’ailleurs dans ce même pays bordant
l’Atlantique que les efforts de l’organisation se portent aujourd’hui à
la suite d’un nouveau coup d’état le 12 avril 2012. Sous le drapeau de
la CPLP, le chef de la diplomatie portugaise Paulo Portas lançait même,
le 19 avril au Conseil de Sécurité de l’ONU : « Le temps est venu de dire non à la domination des armes sur les urnes », plaidant pour que l’ONU réagisse par la force pour « rétablir l’ordre constitutionnel ».
Uniformisation du portugais
A
défaut de s’aider, encore fallait-il se comprendre ! Si, à priori, les
pays membres de l’organisation parlent tous la même langue portugaise,
dans les faits c’est peut-être moins évident : des différences
orthographiques subsiste encore entre le portugais du Portugal et celui
du Brésil, par exemple, concernant à peu près 2% des mots du vocabulaire
lusophone. C’est pourquoi, en concertation avec les pays de la CPLP,
une réforme orthographique a été conçue pour permettre surtout à la
communauté lusophone d’être reconnue comme langue à part entière de
l’ONU.
Toutefois,
la réforme a suscité de grands mouvements de protestation au Portugal,
notamment de la part de nombreux linguistes de l’Académie des Sciences
de Lisbonne, qui estiment scandaleux que la CPLP privilégie
l’orthographe brésilienne aux dépens de celle qui prévaut autour de
Coimbra au motif qu’il se trouve plus d’habitants au Brésil qu’au
Portugal, reléguant ainsi le portugais originel aux oubliettes. Pour
beaucoup de Portugais, cette réforme est même vécue comme une
humiliation, ne servant, pour eux, que les intérêts géopolitiques
brésiliens. Cependant, tant à Lisbonne qu’à Praia, à Luanda ou Brasilia,
la réforme a bien été adoptée partout, même si le gouvernement
portugais s’est donné jusqu’à 2015 pour permettre aux habitants de
s’habituer.
Curieusement,
au Portugal, la crise financière qui s’abat ne suscite pourtant pas de
mouvement de protestation d’envergure. Si des causes consensuelles
internes à la vie politique de l’État expliquent fortement ce phénomène,
d’autres sources de cette paix sociale sont peut-être également à
rechercher dans le maillage tant économique que diplomatiques que le
pays lusitanien s’est efforcé de reconstruire avec ses anciens
territoires. Dès lors, malgré sa petitesse financière et politique qui
le caractérise aujourd’hui, le Portugal ne pense aucunement être pauvre,
ce qui lui permet certainement de ne pas l’être encore.
Source: [ Agence Ecofin]