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Posted by : Palabre-Infos 12 oct. 2012

AFRIQUE - Un voyage éclair pour un véritable test diplomatique. Ce vendredi 12 octobre, François Hollande lèvera le voile sur ses ambitions en matière de politique africaine à l'occasion de son premier déplacement sur le continent noir. Ce déplacement express le mènera en 48 heures de Dakar, au Sénégal, à Kinshasa, en République démocratique du Congo, où se tient le 14e sommet de la Francophonie dans un climat géopolitique tendu.
Mais avant même de s'exprimer devant ses partenaires africains, le président de la République a détaillé ses priorités dans une interview diffusée ce jeudi à 19h sur RFI, TV5Monde et France 24. Parmi ces priorités, François Hollande a notamment réaffirmer son souhait de tourner la page de la "Françafrique", cette diplomatie parallèle née avec la Ve République et mêlant affaires obscures, réseaux clientélistes et valises de billets transitant entre les capitales africaines et Paris.
"Il y aura la France, il y aura l'Afrique. Il n'y aura plus besoin de mêler les deux", a affirmé le chef de l'Etat, revendiquant au passage une diplomatie économique qui ne soit pas dictée uniquement "par nos intérêts économiques".
Mais le chef de l'Etat socialiste n'est pas le premier à s'engager à mettre un terme aux relations ambiguës et parfois incestueuses entre la France et ses anciennes colonies. Des relations qui, depuis 1958, ont été bousculées par les scandales embarrassants, les ingérences sur fond de coups d'Etat et de génocides, les polémiques retentissantes et les évictions gouvernementales. 


ET DE GAULLE INVENTA LA FRANÇAFRIQUE
A la fin des années 50, la décolonisation s'achève avec la guerre de l'Algérie. Privé de l'or noir d'Alger, le Général de Gaulle, qui veut assurer l'indépendance énergétique de la France tout en maintenant la relation "privilégiée" entre Paris et son ancien empire, installe une "cellule Afrique" directement à l'Élysée, faisant des relations avec le continent noir le domaine réservé et exclusif du chef de l'Etat. Pour mener la diplomatie parallèle de l'Elysée en dehors de la tutelle du Quai d'Orsay, l'homme du 18 juin nomme un gaulliste de l'ombre, ancien résistant et affairiste de génie, Jacques Foccart, appelé à devenir le premier et emblématique "M. Afrique" de la Ve République.

Renseignement, luttes d'influence, soutien aux dictateurs, livraisons d'armes... Si le terme péjoratif "Françafrique" ne sera popularité que bien des années plus tard, ses repères fondamentaux prospèrent sous le gaullisme. Sous l'influence de Foccart, un intense réseau franco-africain va se tisser de part et d'autre de la Méditerranée. En toute opacité et à l'abri de tout contrôle parlementaire. La création de la compagnie pétrolière Elf en 1965 intervient à point nommé pour exploiter les gisements des pays amis et financer au passage la diplomatie parallèle mise en place par de Gaulle.
POMPIDOU INSTAURE LES SOMMETS FRANCE-AFRIQUE
Durant son court mandat, Georges Pompidou marche dans les pas du général. Après avoir envisagé de "nettoyer la maison", le président maintient la "cellule africaine" de l'Elysée, ainsi que Jacques Foccart dans ses attributions. Le chef de l'Etat réserve sa première visite sur le continent africain au Sénégal, vitrine de l'Afrique francophone alors dirigée par Léopold Sédar Senghor.

Georges Pompidou inaugure en 1973 le premier sommet France-Afrique à Paris. La priorité à l'époque est à la géopolitique sur le continent noir. Après la guerre israélo-arabe, l'Elysée veut resserrer les liens entre la France et ses alliés africains. Maître mot du sommet: coopération. Devenus un rituel immuable de la Ve République, ces sommets organisés tantôt sur le territoire français, tantôt en Afrique, verront défiler les dirigeants africains les moins fréquentables sans que les présidents français n'y trouvent grand chose à redire.
Figure de proue de l'influence française en Afrique sub-saharienne, le Gabon, pays riche en réserves pétrolières et où Paris a imposé un certain Omar Bongo, appelé à conserver le pouvoir pendant 41 ans.
GISCARD ET LA MALÉDICTION DES DIAMANTS
L'arrivée de Valéry Giscard d'Estaing au pouvoir intervient dans un contexte brûlant pour l'Afrique. Terrain de lutte de la Guerre froide, le continent et ses importantes réserves en hydrocarbures attise d'autant plus la convoitise que le premier choc pétrolier a fait flamber le cours du baril. Une aubaine pour les gouvernements africains et pour les réseaux de Jacques Foccart, dont l'influence ne se dément pas, même si le nouveau M. Afrique de l'Elysée se nomme René Journiac.
Si VGE se démarque de ses prédécesseurs en plaidant en faveur d'une "Afrique aux Africains", le président manie la carotte et le bâton. A une lourde assistance financière, la France intervient militairement à plusieurs reprises (Mauritanie, Zaïre, Centrafrique), au nom de la paix évidemment.
Le bilan de Giscard en Afrique restera néanmoins a jamais entaché par "l'affaire des diamants" de Bokassa, somptueux cadeau offert par le dictateur centrafricain, déposé avec la bénédiction de l'armée française, et qui bousculera la campagne de réélection du président français, contraint de se justifier longuement à la télévision.


Bien des années plus tard, Valéry Giscard d'Estaing tiendra sa vengeance en accusant Jacques Chirac, son rival de 1981, d'avoir financé sa campagne présidentielle avec le soutien d'Omar Bongo. Encore lui.
MITTERRAND OU LES LIMITES DE L'ALTERNANCE
"Présence de la France oui, ingérence non". C'est en ces termes que François Mitterrand définit sa politique africaine lors de sa première tournée sur le continent noir. Mais, rappelle-t-il, "la France tiendra ses engagements", manière de signifier que Paris n'entend pas se désintéresser du sort de ses partenaires.
VIDEO: Mitterrand au Niger

Tout au long de ses deux septennats, le premier président socialiste balancera entre ces deux priorités: maintenir l'influence de la France en crise dans ses anciennes colonies tout en promouvant les idéaux que le PS prônait dans l'opposition. Cela n'empêchera pas François Mitterrand de fermer les yeux sur le coup d'Etat contre l’ex-président Thomas Sankara du Burkina Faso. Les hésitations de l'Elysée sur les conflits armés au Tchad ou le génocide au Rwanda marquent l'ambivalence de la politique africaine du pouvoir français. Au final, la France se résoudra à intervenir militairement.
Les réseaux de la Françafrique ne s'éteignent pas sous l'ère-Mitterrand. D'autant que son propre fils, Jean-Christophe, a intégré la "cellule africaine" de son père. Il sera ensuite poursuivi dans l'affaire de l'Angolagate.
François Mitterrand posera néanmoins une première pierre au démantèlement de la realpolitik africaine de la France. Lors du sommet France-Afrique de La Baule en 1990, le président socialiste lie pour la première fois aide au développement et vertu démocratique.

Mais cette avancée sera obscurcie par l'éclatement du scandale Elf qui révèle un vaste réseau de corruption franco-africain. "Jacques Chirac est au courant de tout ce que je sais, exactement comme Mitterrand l'était", menacera l'ancien président d'Elf, Loïk Le Floch-Prigent, condamné depuis à de la prison ferme.
CHIRAC "L'AFRICAIN": UN AMOUR INTÉRESSÉ?
Lorsqu'il arrive à l'Elysée en 1995, Jacques Chirac jouit d'une popularité exceptionnelle sur le continent africain. Son soutien indéfectible à la politique de coopération, la défense de la souveraineté de l'Afrique mais aussi l'aide militaire accordée aux présidents-dictateurs lui vaudront l'amitié de nombreux dirigeants. Dette, déforestation, écologie, eau... "Chirac l'Africain" défend les besoins du continent sur la scène internationale, même si la démocratisation des pays francophones n’apparaît pas comme une de ses priorités.
Seule sa brouille avec le président ivoirien, Laurent Gbagbo, ternira l'histoire d'amour entre le président français et le continent noir. "J’ai tissé de longue date des liens personnels avec beaucoup d’entre vous et, vous le savez, j’aime et je respecte l’Afrique", ira-t-il déclarer lors de son dernier sommet France-Afrique à Cannes. Celui-ci ira plus loin encore en reconnaissant dans un documentaire les torts de la France coloniale vis à vis du continent africain.

Un portrait qui prendra une autre allure bien des années plus tard avec les révélations de l'affairiste Robert Bourgi, ancien "M. Afrique" et héritier de Jacques Foccard. "J'évalue à 20 millions de dollars ce que j'ai remis à Jacques Chirac et Dominique de Villepin [...] entre 1995 et 2005", déclare le franco-libanais, en multipliant les détails sur les mallettes et les cadeaux qui transitaient entre la France et le continent africain. A l'époque, Robert Bourgi avait toutefois précisé qu'il ne disposait d'aucune preuve, mais affirmait qu'il avait appris de Jacques Foccard en personne que ces pratiques existaient déjà sous le général de Gaulle.
"Par mon intermédiaire", "cinq chefs d'état africains -Abdoulaye Wade (Sénégal), Blaise Compaoré (Burkina Faso), Laurent Gbagbo (Côte d'Ivoire), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et, bien sûr, Omar Bongo (Gabon) ont versé environ 10 millions de dollars pour cette campagne de 2002", prétendra l'avocat, qui sera poursuivi en diffamation. Le parquet de Paris a classé sans suite l'enquête consécutive à ces accusations.
LA RUPTURE INACHEVÉE DE NICOLAS SARKOZY
En mai 2006, Nicolas Sarkozy n'est pas encore président de la République mais le ministre le plus en vue du gouvernement. Et il semble décidé à tourner la page de la Françafrique. Lors d'un discours prononcé à Cotonou (Bénin), le ministre de l'intérieur de Jacques Chirac revendique l'héritage du discours de La Baule de François Mitterrand et assure qu'il faut mettre fin aux "réseaux d'autres temps". Un discours volontariste qu'il inscrira dans son programme présidentiel.
Mais les premiers pas africains du jeune président sont ratés. L'un des premiers invités à l'Elysée n'est autre que Omar Bongo, pilier de la Françafrique.
Outre le "discours de Dakar" de sinistre mémoire, dans lequel Nicolas Sarkozy affirme que "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire", le chef de l'Etat choisi d'évincer son secrétaire d'Etat à la Coopération, Jean-Marie Bockel, qui avait pris au pied de la lettre la promesse du président d'en finir avec la Françafrique.
Tout au long du quinquennat, la défense des intérêts français sur le continent africain reste le maître-mot à l'Elysée, qui mène parallèlement des offensives diplomatiques spectaculaires (Union pour la Méditerranée) mais pas toujours couronnées de succès. Symbole du tâtonnement de la politique africaine de Nicolas Sarkozy, les relations complexes avec la Libye du colonel Kadhafi. Réhabilité par la France, invité en grandes pompes à l'Elysée, le dictateur de Tripoli sera finalement déposé et tué par les rebelles libyens avec le soutien militaire d'une coalition menée par la France.
Si la France réduit sa présence militaire sur le continent, comme Nicolas Sarkoay l'avait promis, le soutien de Paris aux régimes les moins fréquentables demeure. Paris est alors en proie à toutes les contradictions. Soutien militaire en 2008 au tchadien Idriss Deby menacé par une rébellion armée, silence sur la répression et la fraude électorale au Cameroun mais engagement actif pour déposer Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire, sous mandat de l'Onu..
A la mort d'Omar Bongo en 2009, Charles Pasqua annonce la fin de la Françafrique. En juillet dernier, l'ancien secrétaire d'Etat à la Coopération, Jean-Marie Bockel, prévenait le nouveau président François Hollande: "les réseaux affairistes existent toujours". Françafrique, le changement, c'est maintenant?

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