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- Afrique| terre de dispute entre les Etats-unis, la Chine et l'Europe
Posted by : Palabre-Infos
13 févr. 2013
Les pays européens sont peu à peu évincés de l’Afrique par
les pays émergents, Chine en tête. Si l’Europe tient à jouer encore un
rôle significatif dans la région, elle ferait bien de suivre l’exemple
de Pékin ou Brasilia et de faire prévaloir les affaires sur son
sentiment de culpabilité.
Pourquoi l’Europe ne doit pas s’effacer
Les rapports de force se détectent à certains détails. Par
exemple, à Lusaka, pas un ministre zambien n’assiste à la fête de la
reine des Pays-Bas ou à la célébration du jour de l’indépendance des
Etats-Unis. Dans les cabinets ministériels, les investisseurs
brésiliens, indiens et chinois se sentent chez eux. C’est à cela qu’on
constate que les Blancs ne comptent plus en Afrique.
La meute des “lions africains”, comme on appelle ces économies à
forte croissance par analogie aux “tigres asiatiques” des années 1990,
s’élargit : Nigeria, Kenya, Ghana, Zambie, Angola, Ouganda, Rwanda et
Ethiopie. Avec dix années de croissance économique au compteur, ils ont
leurs gratte-ciel dans la capitale, leur sushi bars et leur iPhones.
Les Occidentaux sont encore présents : les diplomates, les
humanitaires en tous genres. Sauf qu’ils ne jouent pas un rôle
significatif. Dans les années 1970, les flux du Nord vers le Sud se
composaient d’aides à 70 %. Aujourd’hui, cette part s’est réduite à 13
%.
Imprévisible Afrique
La diminution du poids de l’aide ne s’est pas accompagnée d’une
intensification des activités commerciales et des investissements du
côté des entreprises occidentales. En trente ans, la part de l’Europe
occidentale dans le commerce extérieur de l’Afrique a reculé de 51 % à
28 %. Certes, quelques multinationales occidentales comme Heineken et
Unilever investissent en Afrique, mais elles y sont actives depuis
longtemps. Le gros des entreprises occidentales n’a pas de stratégie
africaine. Elles ont peur de l’Afrique, qu’elles jugent imprévisible.
Le plus grand bouleversement en Afrique a été déclenché par un
intervenant qui ne cherchait pas à le provoquer : la Chine se procure
dans ce continent cuivre, étain, bauxite, minerai de fer, coltan et bois
exotique et elle y construit des routes, des ponts, des chemins de fer,
des aéroports et des stades de football. Ces derniers sont offerts aux
dirigeants africains, tandis que les infrastructures servent à
transporter les richesses du sous-sol vers l’Orient.
Prédateur capitaliste
La superpuissance asiatique n’a pas de bonnes intentions. Les Blancs
la voient d’un mauvais œil. Il traduit sa propre impuissance par une
réprobation morale : la Chine est un prédateur capitaliste qui pille
l’Afrique. Ce point de vue déclenche les rires moqueurs des élites
africaines qui, à mesure qu’elles prospèrent, acquièrent une meilleure
image d’elles-mêmes : “Ce n’est pas ce que vous avez fait pendant un siècle, vous les Occidentaux ?!”
Ne reste-t-il aux Occidentaux qu’à quitter l’Afrique, la queue entre
les jambes ? Bien sûr que non ! Ils doivent remettre en question leur
rôle et leur relation avec l’Afrique. Ils doivent avant tout se défaire
du sentiment de supériorité et du paternalisme qui ont caractérisé leurs
relations avec l’Afrique pendant 150 ans. Si les Africains sont
satisfaits des Chinois, c’est entre autres raisons — et non des moindres
— parce que ces derniers entretiennent avec eux une relation d’affaires
dépassionnée.
Perspective désagréable
Ensuite, l’Occident doit avoir une idée claire de ce qu’il recherche
en Afrique. Sa nouvelle politique vis-à-vis du continent doit
s’articuler autour de trois axes au moins : la géopolitique, l’économie
et l’humanitaire.
Il a fallu un petit moment mais la France, avec dans son sillage le Royaume-Uni et les Etats-Unis, a fini par comprendre
qu'un Maghreb islamiste n'est pas une perspective enthousiasmante. Ni
les Etats-Unis ni la Chine ne prendront la tête de la lutte contre les
islamistes et les trafiquants. La stabilité de l’Afrique présente un
intérêt géopolitique pour l’Europe.
En ce siècle où les matières premières se raréfient, l’Afrique abrite
la plupart des réserves. La Chine a accès à des matières premières, le
Brésil et l’Inde prélèvent aussi leur part. Mais, embarrassés par leur
histoire coloniale, les Blancs se tiennent à l’écart. L’axe économique
présente un double intérêt. Non seulement l’Afrique possède des matières
premières, mais elle constitue un débouché à forte croissance pour
l’industrie européenne. Les sociétés de conseil McKinsey et KPMG
constatent que la rentabilité des investissements n’est nulle part
ailleurs aussi élevée qu’au sud du Sahara.
Se libérer de son passé
Le troisième axe de la politique vis-à-vis de l’Afrique est plus
familier : l’empathie envers la pauvreté sans autre perspective
apparente dont sont prisonnières des milliers de personnes. La
trajectoire de croissance de l’Afrique ne ressemble pas à celle des pays
occidentaux. Il n’est pour l’instant pas question de ce phénomène
appelé trickle down, qui désigne le ruissellement des richesses des plus
aisés vers les plus pauvres. Au contraire : dans les économies en
pleine croissance que sont l’Angola et le Mozambique, la pauvreté
s’aggrave. Qui plus est, ces économies n’ont pas engagé de processus de
diversification, ce qui rend les “Lions” vulnérables à une chute des
cours des matières premières.
Les conflits, conséquence des inégalités croissantes et des famines —
dont certaines dues au changement climatique — continueront de
provoquer des catastrophes humanitaires en grand nombre.
Les Européens doivent s’inspirer de l’art de la realpolitik que
pratique la Chine et concevoir sa propre politique, décente, vis-à-vis
de l’Afrique. Ils doivent pour cela se libérer de leur passé chargé : ne
pas avoir peur d’être accusés de “néocolonialisme” quand ils
participent à la course aux matières premières. Et aussi se défaire de
leur sentiment de supériorité et aller à la rencontre de l’Afrique
d’égal à égal.
La France a raison d’engager le combat contre les rebelles islamistes au Mali.
Mais elle doit ensuite exiger, selon les règles de la realpolitik, le
premier choix lorsque les concessions seront accordées pour l’uranium ou
les terres agricoles.
Source: Marcia Luyten | Presseeurop